Hyperthermie d’effort
Résumé. – L’hyperthermie d’effort ou coup de chaleur d’exercice est un syndrome caractérisé par une hyperthermie supérieure à 40 °C et des désordres neuromusculaires, survenant habituellement chez des adultes jeunes et sains, lors d’un effort musculaire intense et prolongé.
Sa physiopathologie reste mal élucidée. Le pronostic de cette affection liée à l’effort physique, en l’absence d’une prise en charge médicalisée précoce sur le terrain, est grevé d’une mortalité de l’ordre de 10 % par défaillance multiviscérale.
La prévention de la survenue d’un accident d’hyperthermie d’effort passe par l’information des milieux sportifs et l’exploration des sujets à risque.
Mots-clés : hyperthermie d’effort, coup de chaleur d’exercice, rhabdomyolyse, myopathie, thermorégulation, hyperthermie maligne.
Introduction
Le syndrome d’hyperthermie d’effort (HE) est caractérisé par une hyperthermie supérieure à 40 °C, des désordres neurologiques centraux et une rhabdomyolyse d’intensité très variable [9, 11, 55].
Il survient chez des adultes jeunes en bon état physique, indemnes de toute tare cliniquement et biologiquement décelable de façon simple, au cours d’un effort physique intense et prolongé dans une ambiance climatique plus ou moins défavorable [9, 55]. Ce syndrome a été également décrit sous le terme de « coup de chaleur d’exercice » [15, 18, 68, 80]. Cette affection a une potentialité maligne qui l’a fait dénommer, en particulier par Poujol et Buffat, « hyperthermie maligne d’effort » [18, 65].
En France, les publications sur ce thème proviennent essentiellement des cas recensés en milieu militaire [7, 9, 11, 68].
La littérature anglo-saxonne a fourni de nombreuses publications, aussi bien civiles que militaires, sous le terme d’exertional heat stroke [30, 41, 63, 72, 78]. L’HE est à distinguer du coup de chaleur classique ou d’ambiance, qui touche préférentiellement les âges extrêmes de la vie, en l’absence d’effort physique [5, 18], et des rhabdomyolyses d’effort caractérisées par la prépondérance du syndrome musculaire, l’absence d’hyperthermie notable et de troubles neurologiques [70].
Physiopathologie
RAPPELS SUR LA THERMORÉGULATION
L’homme est un homéotherme dont la température centrale est maintenue dans des limites étroites autour de 36,8 °C, indépendamment des conditions extérieures et de son activité physique, grâce à la thermorégulation.
Un équilibre se fait entre la thermogenèse, pour laquelle la production de chaleur est assurée par les métabolismes basal et musculaire, et la thermolyse, où la perte de chaleur
est essentiellement cutanée par conduction, convection, radiation et évaporation, et plus accessoirement par voie pulmonaire.
Les centres régulateurs, situés surtout au niveau de l’hypothalamus antérieur, intègrent les informations provenant de thermorécepteurs centraux et périphériques cutanéomuqueux.
Le frisson musculaire et la vasomotricité musculocutanée sont les deux principaux mécanismes effecteurs qui interviennent dans le maintien d’une température centrale constante [2, 19, 58, 74].
Tout effort physique intense et prolongé accroît la thermogenèse et s’accompagne d’une élévation modérée de la température centrale : la production de chaleur est de l’ordre de 200 W·m–2·h–1 lors d’une marche rapide de 20 km, de 785 W·m–2·h–1 au cours d’une marche commando, et de 900 W·m–2·h–1 en fin de marathon multipliant par 20 le métabolisme basal qui est de 40 W·m–2·h–1 [55]. En réponse à l’accroissement de la thermogenèse, la thermolyse se majore avec la température centrale qui va se stabiliser, selon les individus et l’effort réalisé, entre 38 et 40 °C [74].
HYPOTHÈSES PHYSIOPATHOLOGIQUES
L’hyperthermie résulte d’un déséquilibre du bilan thermique par augmentation de la thermogenèse, faillite de la thermolyse, ou dérèglement des centres régulateurs hypothalamiques.
Les diverses hypothèses physiopathologiques fondées sur les observations cliniques et les recherches expérimentales ne permettent pas pour l’instant d’affirmer l’unicité des mécanismes qui aboutissent à l’HE.
L’analyse de ces hypothèses laisse à penser qu’elles ne s’opposent pas mais se complètent.
Anomalies de la thermorégulation
Tous les facteurs qui participent au déséquilibre du bilan thermique, soit en réduisant les pertes, soit en accroissant les gains, vont concourir au déterminisme de l’HE.
C’est ainsi que les plusfréquemment retrouvées dans l’anamnèse des HE sont les maladies infectieuses fébriles, le plus souvent banales, ayant pour effet d’augmenter le niveau basal de la température centrale. La déshydratation induite par une sudation profuse non compensée par le sportif entraîne une hypovolémie dont l’effet délétère va s’exercer sur la fonction cardiovasculaire et les capacités thermorégulatrices.
L’obésité peut induire un déséquilibre de la thermorégulation car elle s’accompagne d’une augmentation de la production calorique à effort imposé égal [7, 68].
Dysfonctionnement du système nerveux central
Cette hypothèse repose sur certains signes cliniques et sur la constatation de lésions anatomiques chez l’homme.Il serait lié à un effet direct de l’hyperthermie sur les centres régulateurs.
D’autres hypothèsesontétéévoquéess’appuyantsurdesdonnées expérimentales au cours de l’hyperthermie,
en particulier faisant intervenir l’action des cytokines lors des exercices intenses qui provoqueraient
une endotoxinémie induisant cette réaction immunitaire, et expliquant en partie les conséquences viscérales de l’HE [68]. Divers travaux sont en cours pour confirmer le bien-fondé de ces observations.
Dysfonctionnement musculaire
Une première hypothèse était fondée sur certaines analogies entre l’HE et l’hyperthermie maligne anesthésique (HM). Une autre hypothèse, plus large, est basée sur le fait qu’une myopathie infraclinique pourrait être responsable d’une baisse du rendement mécanique global entraînant une perte d’énergie et une production de chaleur accrue.
Les travaux réalisés à Marseille par un groupe multidisciplinaire [10, 12, 32, 56] renforcent cette théorie et permettent d’expliquer un certain nombre de cas d’HE : parmi 186 cas explorés, 162 patients ont bénéficié de biopsies musculaires. Des anomalies histologiques musculaires ont été constatées chez 36 sujets dont 19 myopathies ; 38 % des patients ont une activité en carnitine-palmityl-transférase franchement abaissée, voire effondrée. Ce système enzymatique intracellulaire, dont le dosage s’effectue au niveau musculaire, assure le transport transmembranaire des acides gras au sein de la mitochondrie, avant leur transformation au sein du cycle de Krebs [69]. Une diminution de l’activité de ce système de navette a été mise en cause dans l’élévation de la thermogenèse [40, 81]. Dans le même temps, ont été réalisés des tests de contracture halothane-caféine in vitro selon le protocole européen [56]. Des anomalies de contraction ont été mises en évidence dans 60 % des cas, parmi lesquels une susceptibilité à l’HM est révélée chez 25 % des patients (20 sujets susceptibles à l’HM ou sujets « MHS », et 12 sujets équivoques à l’halothane ou sujets « MHEh »). La spectroscopie de résonance magnétique au phosphore 31 (SRM-P31) objective des dysfonctionnements du métabolisme énergétique musculaire dans 95 % des cas [10]. Les premières études génétiques ne permettent pas à ce jour de conclure sur les relations unissant HE et HM, mais la coexistence de ces deux pathologies au sein de plusieurs familles explorées justifie la poursuite des travaux.
Épidémiologie
L’épidémiologie de l’HE reste mal connue, souvent incluse dans le cadre général des accidents liés à la chaleur [27]. Rares sont les données issues de grandes séries, plus fréquentes sont les descriptions de cas cliniques isolés.
CIRCONSTANCES DE SURVENUE
Effort physique
L’HE survient au cours d’un exercice physique intense et plus ou moins prolongé, pendant lequel la production de chaleur à l’effort est importante.
En milieu militaire, la course à pied en tenue de combat avec port de charge, type marche commando, est responsable de 60 % des cas d’HE. Viennent en second l’entraînement ou les manoeuvres militaires [3, 30, 41, 44, 52, 55]. En milieu civil, les activités sportives à l’origine d’une HE sont essentiellement la course à pied et les épreuves cyclistes, puis certains sports collectifs tels le football et le rugby [23, 33, 34, 51, 66].
Le moment de l’accident est variable en fonction de la durée del’épreuve physique : au cours de marches soutenues, deux accidents sur trois se démasquent avant le 20e kilomètre, et lors de courses pédestres trois sur quatre surviennent avant le dixième kilomètre [30].
Moins fréquents sont les cas rapportés dans le cadre d’activités professionnelles physiquement éprouvantes [21].
Malgré les efforts réalisés dans le domaine de la prévention et d’unemeilleure prise en charge médicalisée sur le terrain, la mortalité de cette affection est encore de l’ordre de 10 % [14, 30, 83]. Actuellement, en France, au sein des Armées, ce taux est de 2,5 % du fait d’une prévention accrue et d’une médicalisation précoce sur le terrain [68].
Terrain
Âge
Selon les données de la littérature, les âges extrêmes se situent entre 11 et 76 ans [20, 66, 78]. Sur les 197 cas d’HE survenus parmi 144 950 amateurs de courses populaires de 14 km (0,14 %) rapportés par Richards [66], la moyenne d’âge chez les femmes est inférieure (18 cas, 23 ± 11 ans) à celle des hommes (179 cas, 31 ± 11 ans). Pour Epstein [29], l’âge lui-même ne semble pas être un facteur de risque, à l’inverse d’autres éléments qui s’y associent (baisse du potentiel physique, surcharge pondérale, pathologies diverses …).
Sexe
En milieu militaire, la nette prédominance des cas d’HE décrits chez les sujets de sexe masculin n’est en fait due qu’à un biais de recrutement. En effet, le sex-ratio est proche de 1 sur les grandes séries publiées au décours d’épreuves sportives effectuées en milieu civil [23, 66].
Facteurs ethniques
Il n’a pas été mis en évidence de différence à ce niveau vis-à-vis du risque de survenue d’une HE. Seul Henderson [44] signale, dans une petite série, une majorité de soldats gurkhas touchés et plus sévèrement que les autres Anglais de race blanche. L’auteur attribue cette différence à une méconnaissance des risques liés à la chaleur et à une moins bonne préparation physique.
Antécédents médicaux
Rares sont les études ayant recherché de façon exhaustive les antécédents personnels et familiaux des sujets victimes d’HE. Parmi les pathologies le plus fréquemment rencontrées, des épisodes récents d’infections des voies aériennes supérieures (avec prises de vasoconstricteurs pouvant freiner la thermolyse) et des épisodes diarrhéiques (source de déshydratation) sont régulièrement rapportés [23, 52, 66, 78].
La surcharge pondérale majore le risque de survenue d’HE, les tissus graisseux sous-cutanés gênant la thermolyse [23]. Les pathologies à l’origine d’anomalies qualitatives ou quantitatives de la sudation [29, 40] et les hémopathies de type drépanocytaire sont aussi incriminées [36, 53].
Des altérations graves du métabolisme énergétique musculaire, telles que les déficits en phosphorylase (maladie de Mac Ardle), enphosphofructokinase (maladie de Tarui) ou encore certaines anomalies
du métabolisme lipidique (déficit en carnitine-palmityltransférase ou en carnitine) peuvent favoriser la survenue d’accidents d’HE [9, 18, 40, 81].
Certains sujets ont antérieurement présenté un ou plusieurs épisodes d’HE [9, 29, 52].
Condition physique
Cette pathologie liée à l’effort physique survient préférentiellement chez des sujets peu ou moyennement en forme [30, 34, 41, 45, 76], mais n’épargne pas les sportifs entraînés [23, 66].
En milieu militaire, un surentraînement, une dette de sommeil, sont des facteurs favorisants déterminants [23, 51].
Surmotivation
Qu’elle s’exprime à travers un « esprit de compétition » exacerbé en général ou lors d’épreuves de sélection militaire en particulier, c’est un facteur de risque individuel pratiquement constant, souvent occulté, faisant négliger les prodromes précédant l’HE et incitant à la poursuite de l’effort en cours [23, 30, 67].
FACTEURS FAVORISANTS
Environnement climatique
En France, la température ambiante est modérée dans la majorité des observations rapportées. Certains cas d’HE ont été décrits par temps froid (moins de 10 °C) [9, 76]. La chaleur a été parfois un facteur déterminant, les épreuves physiques ayant eu lieu sous des températures élevées pouvant atteindre 39 °C [33, 52]. L’humidité relative ambiante varie en moyenne entre 40 et 60 %, avec des extrêmes allant de 30 à 91 % [1, 25, 41, 51, 68, 82]. Un degré d’hygrométrie élevé supérieur à 75 % et l’absence de vent sont deux facteurs essentiels dans la survenue d’une HE, en diminuant la capacité de sudation et d’évaporation, réduisant ainsi la thermolyse [34, 51, 55, 66].
L’absence d’acclimatation est très souvent retrouvée en cas d’HE survenue en milieu tropical. L’adaptation progressive à l’effort en ambiance thermique chaude étalée sur une période de 4 à 6 semaines, permet d’en réduire l’incidence [51, 68].
Tenue vestimentaire [11, 34]
Elle peut être une entrave aux échanges thermiques, gênant la thermolyse. Les tenues de combat militaires, imprégnées de produits les rendant imperméables, constituent de véritables pièges thermiques. Le port d’un équipement majore le travail musculaire et élève la thermogenèse. Certains équipements sportifs en Nylont sont également incriminés.
Facteurs diététiques
Une dette hydrique avant et pendant l’effort est rapportée chez 50 % des victimes d’une HE [66]. Cette hydratation insuffisante peut être cumulée avec d’autres erreurs diététiques graves telles qu’un jeûne ou une surcharge excessive en hydrates de carbone [3, 23, 44, 45].L’information préalable et la présence de sites de ravitaillement en boissons lors d’épreuves sportives n’empêchent pas la survenue d’HE mais en réduisent le risque [6, 23, 44, 66].
Médicaments et toxiques
Tous les médicaments entravant les mécanismes de thermorégulation majorent le risque de survenue d’HE. Dans le coup de chaleur d’ambiance, sont souvent incriminés les neuroleptiques qui interfèrent avec les mécanismes dopaminergiques de la thermorégulation hypothalamique. Les anticholinergiques, les antiparkinsoniens, les antidépresseurs tricycliques et les amphétamines bloquent la sécrétion cholinergique des glandes sudoripares, ainsi que les vasoconstricteurs comme l’éphédrine ou l’épinéphrine. Les diurétiques jouent également un rôle néfaste par l’hypovolémie qu’ils induisent [55, 68, 83].
Dans notre série de 186 cas d’HE survenus en milieu militaire [10], 5 % d’entre eux ont reconnu avoir consommé des médicaments contenant de la caféine (type Guronsant). La caféine, par son action directe au niveau de la fibre musculaire striée, et par la contraction qu’elle favorise, est utilisée dans les tests de contracture in vitro selon le protocole européen à la recherche d’une susceptibilité à l’hyperthermie maligne peranesthésique [9, 56]. Les vasoconstricteurs souvent associés à des antihistaminiques viennent en seconde position. La consommation de toxiques (cannabis) ou de boissons alcoolisées avant l’effort est parfois avouée [23, 29, 68, 72, 82].
Clinique
PRODROMES [23, 55, 72]
Inconstamment rapportée dans 20 % des cas, la phase prodromique peut survenir précocement et est en général négligée par le sportif.
À une asthénie marquée s’associent de façon variable des myalgies, une soif intense, des céphalées, des troubles du comportement à type de sensations vertigineuses, de confusion, voire d’agressivité, ainsi que des troubles digestifs à type de douleurs abdominales, de nausées ou vomissements et parfois de diarrhée. Dans 80 % des cas, ces signes d’alerte sont absents, le sujet s’effondre, précipitant la phase d’état.
PHASE D’ÉTAT
Hyperthermie
La température centrale est en général supérieure à 40 °C lorsque celle-ci est mesurée au moment de l’accident avec des valeurs extrêmes pouvant dépasser 43 °C [9, 45, 71, 78]. Chez les sujets acclimatés ou lors d’une mesure retardée de la température, des valeurs inférieures ne doivent pas faire récuser le diagnostic [24, 40, 41, 66, 78]. La gravité d’une HE semble bien corrélée à l’importance de l’hyperthermie, au retard de la prise en charge thérapeutique et à la persistance du syndrome fébrile malgré les mesures entreprises [9, 82].
Parmi les signes cutanés, la description classique associant anhidrose avec chaleur et érythrose des téguments [34, 82] fait souvent place à une sudation parfois profuse [40, 66].
Syndrome neurologique
Il constitue un des trépieds du syndrome d’HE avec l’hyperthermie et la rhabdomyolyse [55, 78]. Les désordres neurologiques sont variables, tant dans leur expression que dans leur durée et les complications qu’ils peuvent induire.
Leur gravité est souvent proportionnelle à l’hyperthermie [11, 51, 63].
Les troubles de conscience sont constants. Dans les formes bénignes, il s’agit d’un coma réactif rapidement résolutif et sans séquelle auquel peuvent s’associer désorientation, agitation, amnésie antérograde de l’événement [1, 20, 34, 40, 78]. Des comas plus profonds ont été décrits pour les formes les plus graves sans signe de localisation, avec trismus et opisthotonos, abolition des réflexes cornéens et mydriase bilatérale aréactive [7, 34, 41]. Des crises convulsives généralisées et transitoires ne sont pas exceptionnelles [52, 55, 78].
Des signes de localisation, un syndrome méningé peuvent égarer le diagnostic et imposent la réalisation d’une tomodensitométrie ou d’une imagerie par résonance magnétique cérébrale pouvant mettre en évidence un oedème cérébral et/ou des foyers hémorragiques punctiformes [14, 16, 18, 25, 51]. La ponction lombaire ramène un liquide céphalorachidien hypertendu dont la protéinorachie est modérément augmentée [68].
Des séquelles à type de syndromes cérébelleux ou pyramidaux ont été rapportées [7, 78, 83].
Atteinte musculaire
La troisième principale composante de ce tableau est la rhabdomyolyse [9, 66]. Elle s’exprime cliniquement par la tension douloureuse des masses musculaires, parfois associée à un myooedème [33, 45, 51, 63]. Elle est confirmée par l’élévation franche des enzymes musculaires de type créatine phosphokinase (CPK) pouvant dépasser 100 000 UI·L–1 et de celle de la myoglobiné-mie [9, 63]. L’élévation de ces marqueurs biologiques ne traduit que l’importance de la myolyse mais n’a aucune valeur pronostique [7, 51, 68]. La myoglobinurie est inconstante et transitoire.
Aspects hémodynamiques
Dans les formes bénignes, une tachycardie sinusale avec collapsus cardiovasculaire est constante mais rapidement corrigée par le remplissage vasculaire et la réfrigération [34, 45, 51, 64, 66, 82]. De véritables états de choc ont été observés dans les formes les plus graves, initialement hyperkinétiques avec effondrement des résistances artérielles systémiques et augmentation du débit cardiaque [22, 42].
L’atteinte myocardique peut se traduire par une élévation des enzymes cardiaques accompagnant
des troubles de la repolarisation à l’électrocardiogramme, exceptionnellement par une nécrose du myocarde à coronaires saines [18, 33, 42]. Des hémorragies myocardiques et des tamponnades cardiaques ont été décrites dans un contexte de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) [22, 82].
Tous les troubles du rythme et de la conduction ont été rapportés.
Ils n’ont aucune spécificité en dehors de leur caractère aggravant lors de techniques de réfrigération inappropriées (cf infra) [22, 44].
AUTRES SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES
Malgré des pertes hydriques par sudation pouvant, lors de courses d’endurance, varier de 0,5 à 2 L·h–1 [6, 35], il est intéressant de noter que la déshydratation, bien que constante, est rarement au premier plan. Pour Costrini et al [22] elle serait moindre que dans le coup de chaleur d’ambiance. Cliniquement, elle s’exprime essentiellement par une soif qui peut être intense chez les sujets conscients [51].Biologiquement, elle se traduit par une hémoconcentration avec élévation de l’hématocrite jusqu’à des valeurs égales à 64 % et une osmolarité sanguine pouvant atteindre 322 mOsm·L–1 [1, 15]. Les données de l’ionogramme sanguin sont très variables : la natrémie est le plus souvent normale ou abaissée et l’hypokaliémie initiale de déplétion constatée dans 50 % des cas est plus marquée en zone tropicale [11, 68, 78]. Secondairement, une hyperkaliémie peut compliquer une rhabdomyolyse, une insuffisance rénale ou une acidose métabolique de type lactique [28, 78]. L’hypocalcémie est assez fréquente, due à des dépôts de calcium dans les muscles lésés, et une hypophosphorémie est parfois observée, secondaire à l’hyperventilation et au transfert intracellulaire du phosphore [6, 73].
COMPLICATIONS VISCÉRALES
Digestives
Des vomissements et une diarrhée sont fréquents et précoces et peuvent majorer la déshydratation [3, 78].
Plus préoccupante est l’atteinte hépatique qui est grave dans 10 % des cas. Limitée à une élévation modérée et transitoire des transaminases dans les formes bénignes, la cytolyse est majeure dans les formes sévères. L’association de cette cytolyse à un ictère, un coma, une hypoglycémie, un effondrement des facteurs de coagulation, réalise un tableau d’insuffisance hépatocellulaire aiguë de sombre pronostic. L’issue est fatale en quelques jours, voire en quelques heures dans les formes fulminantes. Au niveau histologique, les lésions sont très proches de celles de la nécrose hépatique centrolobulaire, associées à des degrés divers à une cholestase et à une dilatation veineuse portale [15, 20, 31, 37, 40, 43, 72].
Rénales
L’oligurie est pratiquement constante avec des urines foncées dans lesquelles une hémoglobinurie, une protéinurie, une myoglobinurie sont inconstamment retrouvées [1, 34, 45, 63, 64]. Dans les formes bénignes, cette atteinte rénale n’est que fonctionnelle, liée à la déshydratation, au collapsus cardiovasculaire. Dans les formes les plus graves, l’état de choc, la rhabdomyolyse, l’acidose métabolique, les troubles de la coagulation font le lit d’une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire, le plus souvent oligoanurique [15, 45, 51, 63, 72, 78, 82], plus rarement à diurèse conservée [64].
Pulmonaires
Les atteintes pulmonaires primitives sont exceptionnelles [7]. Les cas d’hémorragies et d’infarctus pulmonaires sont associés à une coagulopathie [25]. Un syndrome de détresse respiratoire aiguë s’intègre dans un tableau de défaillance multiviscérale ou survient au décours d’un syndrome de Mendelson [4, 18, 35]. Un oedème pulmonaire peut être la complication d’une réhydratation excessive [62].
Troubles de l’hémostase [46, 65]
Ils constituent un critère de gravité. Une chute modérée et transitoire du taux de prothrombine accompagne habituellement les formes bénignes d’HE. Un rash pétéchial, un saignement aux points de ponction, des hémorragies viscérales, en particulier digestives, rénales, pulmonaires et cérébrales sont l’apanage des formes graves.
Celles-ci se traduisent biologiquement par une CIVD, caractérisée par une thrombopénie, une chute des facteurs de la coagulation et la présence de D-dimères.
Évolution
En schématisant cette affection liée à l’effort physique, trois types d’évolution correspondant à des formes cliniques différentes sont à distinguer.
FORMES MINEURES
Ce sont les plus fréquentes [9, 55]. La durée des troubles de la conscience est inférieure à 1 heure. La défervescence thermique est rapide et l’apyrexie est obtenue en 24 heures. Les stigmates de la rhabdomyolyse s’amendent sans séquelles en moins de 1 semaine [7, 51].
FORMES GRAVES
Elles sont caractérisées par des troubles de conscience sévères et une hyperthermie durable, associés à une atteinte multiviscérale polymorphe.
Des séquelles neuromusculaires, une fatigabilité à l’effort, des stigmates d’atteinte hépatique peuvent être observés. Les patients décèdent parfois, non des suites directes de l’hyperthermie mais de complications iatrogènes secondaires [64, 71, 72].
FORMES SURAIGUËS
Dans moins de 10 % des cas actuellement, malgré une réanimation intensive, le décès survient en moins de 24 heures dans un tableau de défaillance multiviscérale associant hyperthermie majeure, coma profond, état de choc, anurie, insuffisance hépatocellulaire aiguë avec CIVD d’évolution irréversible [21, 46, 82].