Généralités sur les indications
Les indications principales de pose d’une voie veineuse profonde sont [26] :
• une durée prolongée prévisible de la perfusion ;
• la nécessité d’administrer des solutés hypertoniques (dont la nutrition parentérale) ou des médicaments agressifs pour les veines périphériques ;
• des traitements itératifs de longue durée (antibiothérapie [27- 29], traitements substitutifs des déficits congénitaux [30-32]) ;
• un état clinique instable nécessitant la mesure de la pression veineuse centrale.
En fonction de la durée prévisible de la perfusion ou de l’administration, trois types différents de cathéters pourront être choisis [33, 34] :
• les cathéters de « courte durée », non tunnellisés, pour une utilisation de 7 à 15 jours ;
• les cathéters de « durée intermédiaire », pour une utilisation de 15 jours à 3 mois qui peuvent être tunnellisés ou insérés en périphérie ;
• les cathéters de « longue durée » pour une utilisation de plus de 3 mois, qui peuvent être des cathéters tunnellisés ou des cathéters à chambre implantable s’il y a nécessité d’un accès veineux intermittent.
Trois sites d’insertion principaux sont possibles pour une voie centrale : jugulaire interne, sous-clavier et fémoral. Il n’y a aucune indication absolue pour chacun de ces sites dont le choix est essentiellement fonction des conditions liées au patient (locales et générales) et de l’expérience de l’opérateur.
Les contre-indications à la pose d’un cathéter veineux central ne sont que relatives et concernent essentiellement les coagulopathies (congénitales ou acquises). Les pratiques varient beaucoup selon les équipes.
L’AFSSAPS recommande, pour tout « geste effractif » :
• une transfusion préalable de plaquettes si le taux est inférieur à 50 G l–1 (nouveau-né compris)
La présence d’une bactériémie ou d’une septicémie contreindique la pose d’un cathéter tunnellisé ou d’une chambre implantable [20].
Généralités sur la technique
Préparation du patient, du site et de l’opérateur
En dehors de l’urgence, un devoir d’explication à l’enfant et à ses parents s’impose ; la technique et les contraintes doivent être clairement précisées.
Quelques règles de « bonne conduite » doivent être respectées :
• choix d’un lieu approprié pour la pose : de préférence bloc opératoire, salle de réveil ou salle spécifique du service de réanimation ;
• toilette préalable du patient : avec un savon de la même gamme que l’antiseptique utilisé pour la préparation du site opératoire ;
• monitorage pendant la procédure (a fortiori si anesthésie générale) : fréquence cardiaque, oxymétrie, fréquence respiratoire, pression artérielle.
Le choix d’une sédation ou d’une anesthésie (locale ou générale) dépend du contexte, de l’âge et de la pathologie de l’enfant.
Si l’enfant est conscient et coopérant, l’utilisation d’une sédation (par hypnotique par exemple) associée à une anesthésie locale suffit dans la plupart des cas.
Chez les plus petits, en revanche, il est pratiquement toujours indispensable de réaliser une anesthésie générale.
La pose du cathéter doit être effectuée dans des conditions d’asepsie chirurgicale :
• préparation de l’opérateur : port d’un masque et d’un calot, lavage chirurgical des mains et des avant-bras, habillage avec casaque et gants stériles ;
• préparation de la zone d’insertion du cathéter : C nettoyage, rinçage puis application d’un antiseptique : chlorhexidine alcoolique champ à 0,5 % ou bétadine dermique en respectant les contre-indications de cette dernière (période néonatale, intolérance à l’iode) ; C mise en place de champs stériles débordant largement de la zone de cathétérisme.
Technique de pose d’une voie veineuse profonde
Il existe classiquement trois méthodes principales pour ponctionner une veine profonde puis y insérer le cathéter central [26] :
• méthode en deux étapes : ponction de la veine puis insertion du cathéter à l’intérieur de l’aiguille de ponction ;
• méthode dite « de Seldinger » en quatre étapes : ponction de la veine puis insertion d’un guide métallique à l’intérieur de l’aiguille de ponction puis retrait de l’aiguille et insertion du cathéter sur le guide ;
• méthode de Seldinger avec introducteur, où c’est ce dernier qui est introduit sur le guide et au travers duquel est inséré le cathéter. Le préalable à la ponction est bien entendu le repérage de la veine effectué « traditionnellement » selon la méthode du repérage anatomique mais pour lequel, depuis la fin des années 1990, se sont développées des méthodes de repérage échographique.
Ces différentes méthodes sont détaillées, au cas par cas, dans les chapitres suivants.
Lorsqu’un cathéter est positionné en veine cave supérieure (via la jugulaire interne ou la sous-clavière),
un positionnement correct de son extrémité garantit son bon fonctionnement et limite les risques de complications (thromboses si trop haut, troubles du rythme ou perforation péricardique si trop bas).
L’idéal est de positionner le cathéter à la jonction veine cave supérieure-oreillette droite (VCS-OD).
Veine jugulaire interne
De nombreuses méthodes de ponction ont été décrites,
la veine jugulaire étant recherchée plus ou moins haut, en avant ou en arrière des muscles SCM.
À côté de la méthode de repérage anatomique « classique » se développent, depuis une quinzaine d’année, des méthodes de repérage échographique ou doppler de la veine, destinées à augmenter le taux de succès de la ponction veineuse. Dans les deux cas, c’est de préférence la veine jugulaire droite qui est choisie car elle est dans l’axe de la veine cave supérieure et qu’il n’y a pas de risque de plaie du canal thoracique lors de la ponction.
Technique
L’installation est capitale pour la réussite du geste.
L’enfant, en décubitus dorsal, a un billot placé sous les épaules. La tête est tournée du côté opposé et fixée ou maintenue par un aide.
Le muscle SCM doit être bien visible.
Repérage anatomique
La veine jugulaire interne passe en bissectrice par le sommet du triangle de Sédillot délimité par le chef sternal du SCM en dedans, le chef claviculaire du même muscle en dehors et en bas par le bord supérieur de la clavicule. Toutes les approches percutanées sont situées autour ou à l’intérieur de ce triangle.
L’approche antérieure est la plus habituelle, en particulier chez le nourrisson (Fig. 10A). La ponction se fait à 3 à 4 cm au-dessus de la clavicule au milieu d’une ligne reliant la mastoïde à la fourchette sternale, latéralement au pouls carotidien palpé sous l’index, selon un angle d’environ 30° avec la peau. L’aiguille est dirigée vers le mamelon homolatéral ou l’union tiers interne-deux tiers externes de la clavicule.
Cette méthode est très proche de la voie antérieure (Fig. 10B et C).
La ponction peut se faire également à la base du triangle de Sédillot, 1 cm au-dessus de la clavicule, l’aiguille étant dirigée parallèlement au bord sternal selon un angle de 30 à 40°. Cette voie d’abord, en raccourcissant le trajet cervical, facilite la tunnellisation.
L’approche postérieure (voie de Jernigan [37]) est plus rarement utilisée chez l’enfant mais elle est importante à connaître en cas d’échec des autres voies (Fig. 10D et E). Le point de ponction se trouve chez le nourrisson à 1,5-2 cm au-dessus de la clavicule en dehors de la jugulaire externe et le long du bord postérieur du chef cléido-occipital du SCM. L’aiguille est dirigée obliquement vers la face postérieure de la fourchette sternale. La veine doit être atteinte après un trajet d’environ 10 à 20 mm au niveau du bord supérieur de la clavicule Le risque ici important est l’atteinte du dôme pleural. Un point de ponction plus haut situé à mi-distance de la ligne mastoïde-articulation sternoclaviculaire limiterait ce risque [38].
Repérage échographique
Il existe deux techniques de ponction « assistée », par l’échographie ou le doppler.
La première est celle du repérage premier puis ponction guidée [39-41] et consiste à repérer préalablement le vaisseau avec une sonde d’échographie de 7,5 Hertz placée perpendiculairement à son grand axe. La veine est visualisée sous la forme d’un ovale au centre duquel on place la marque centrale de la sonde.À ce niveau est ensuite effectuée une marque sur la peau de l’enfant. La ponction est réalisée avec une aiguille alignée sur la marque, introduite perpendiculairement à la peau et dont la progression est suivie et guidée en temps réel sur l’écran de l’échographe. Cette technique est utilisable même chez les enfants de petit poids et Machotta en a rapporté le succès chez un prématuré de 850 g [42]. Il peut cependant exister un problème de « place » pour positionner la sonde et l’aiguille sur un petit cou [43].La seconde technique est celle du repérage-ponction en un temps (méthode smartNeedle®) [39, 44, 45].
Résultats
Le risque plus faible de pneumothorax fait souvent préférer cette voie à la ponction sous-clavière [48]. Son taux de réussite est élevé et il ne paraît pas être différent selon le niveau de la ponction (haute ou basse), tout au moins dans les équipes entraînées [49].
Avec la méthode de repérage anatomique « classique » le taux de succès global varie de 72 à 81 % [39, 43]. L’échec de la ponction est souvent lié à une mauvaise installation, à une immobilisation insuffisante ou au mauvais repérage de la projection cutanée du trajet de la veine.
L’inconvénient de la voie jugulaire interne repose sur les difficultés de fixation, en particulier chez le nouveau-né et le nourrisson, en raison du risque de coudure au niveau du cou. Pour éviter ce risque, le trajet du cathéter peut être incurvé vers le bas et son extrémité proximale fixée sur la face antérieure du thorax. La tunnellisation sur quelques centimètres peut améliorer le confort et l’acceptation chez l’enfant plus grand.
Complications spécifiques
L’hématome cervical rarement compressif mais grave (dyspnée laryngée) peut être secondaire à une ponction carotidienne ou veineuse.
Une compression efficace immédiate prévient le risque d’extension secondaire. Une ponction carotidienne survient dans 23 % à 26,7 % des cas, mais n’est responsable d’un hématome que dans un quart de ces cas [47, 50].Les techniques de repérage préalable de la veine réduisent ce risque à 1,3 % avec le doppler et 3,1 % avec l’échographie [41, 48]. Des lésions nerveuses ont été rapportées, autant liées à la compression par un hématome qu’à une blessure directe (atteinte des IX, X, XI ou XIIe paires crâniennes, paralysie hémidiaphragmatique
Veine sous-clavière
Voie la plus utilisée chez l’adulte, la veine sous-clavière a pour avantage d’être de gros calibre, et de rester « béante » même en cas d’hypotension artérielle sévère du fait de la présence du tissu fibreux qui l’entoure [26].
Cette voie permet d’accéder facilement à la veine cave supérieure : c’est une veine à fort débit et idéale pour le cathétérisme de longue durée du fait des facilités de fixation sur la paroi thoracique et de l’absence de mobilité qui évite le risque de déplacement du cathéter.Même si elle est réalisable à tout âge [52], cette voie a longtemps été redoutée par les équipes d’anesthésie-réanimation pédiatrique du fait du risque de pneumothorax ou d’hématome lors d’une ponction artérielle. Une des difficultés particulières à l’enfant est liée à la petite taille du vaisseau qui réalise un trajet moins rectiligne que chez l’adulte avec un angle très aigu avant l’entrée dans le coeur, angle qui disparaît après l’âge de 2 ans [6].
Technique
L’enfant est installé en décubitus dorsal et léger déclive en l’absence de contre-indication.
L’utilisation ou non d’un billot et la position de la tête font l’objet de discussions. Pour certains, l’absence de billot et une position neutre de la tête permettent d’obtenir un diamètre veineux optimal. Pour réduire le risque de malposition, il peut être utile, juste après la ponction, de tourner la tête de l’enfant du côté du cathéter [2].
Le bras homolatéral est appliqué le long du corps.
La technique le plus souvent utilisée est l’abord sousclaviculaire d’Aubaniac (Fig. 11A). La ponction est réalisée au ras du bord inférieur de la clavicule à l’union de ses tiers externe et médian (milieu de la clavicule chez le tout-petit). L’aiguille est dirigée en dedans, légèrement en haut en arrière visant la face postérieure de l’articulation chondrosternale ou le moignon de l’épaule opposée. L’angle initial est d’environ 40° avec le plan cutané (plus l’enfant est petit, plus cet angle est moindre) puis réduit ensuite à 15-20°. La progression de l’aiguille est prudente, le « vide à la main », jusqu’à ce qu’apparaisse un retour franc de sang veineux dans la seringue.
Résultats
Dans l’étude prospective de Venkataraman [56], sur 100 abords veineux sous-claviers non chirurgicaux pédiatriques, le taux de succès global est de 92 % (45 % lors du premier essai, 85 % après deux tentatives).
L’incidence du succès n’est pas influencée par l’état hémodynamique, respiratoire de l’enfant ou l’expérience de l’opérateur. En revanche, le taux de succès est plus bas chez les enfants de faible poids.
Complications spécifiques
L’expérience de l’opérateur semble être un facteur déterminant dans l’incidence des complications, largement influencée par le nombre de ponctions.
Le taux global de complications mineures varie de 7,9 à 34 % [2, 6, 56, 57].
Il est significativement supérieur au taux de complications de l’accès jugulaire interne [2].
Il est plus élevé lorsque la veine sous-clavière droite est cathétérisée et lorsqu’il s’agit d’enfants de moins de 5 ans [52, 58].
La complication la plus fréquente est la malposition qui survient dans 5 à 25 % des cas, favorisée par les variations de pression intrathoracique (toux, vomissement), les variations de pression veineuse centrale et les cardiopathies congestives [6, 26, 59].
Les fausses routes concernent essentiellement la veine jugulaire interne homolatérale et la veine sous-clavière controlatérale et elles surviennent préférentiellement lorsque le cathéter est introduit par voie sous-claviculaire droite ou si un cathéter de diamètre supérieur ou égal à 6 Fr (moins flexible) est utilisé [6, 60].
Un bilan s’impose alors (échographie, angiographie, voire scanner). Il s’agit le plus souvent d’un faux anévrisme avec apparition initiale d’un hématome périvasculaire, puis organisation de ce dernier. Des lésions de la trachée et du thymus sont possibles.
Une plaie du canal thoracique peut se compliquer d’un chylothorax.
La lésion du nerf phrénique peut avoir pour conséquence l’ascension progressive de la coupole diaphragmatique.
Des ruptures de cathéters utilisés avec des chambres implantables ont été observées, avec risque d’extravasation du produit perfusé et d’embolisation de l’extrémité distale, pouvant avoir des conséquences graves.
Le pincement du cathéter doit être évoqué devant la nécessité de mobiliser ou soulever le bras du patient pour réaliser une perfusion stable. Le diagnostic de ce syndrome de la pince est fait par opacification [26].
Afin d’éviter cette complication, l’implantation des cathéters à chambre implantable par voie sous-clavière a fait l’objet de recommandations par lettre circulaire [62].
Veine axillaire
L’abord central via la veine axillaire a une efficacité et une sécurité démontrées dans les ressuscitations, le risque d’infection et de thrombose étant similaire aux autres sites [2]. Chez le nouveau-né, le taux de succès est de 96 % et il est augmenté avec le repérage échographique [2]. C’est une voie veineuse peu habituelle mais qui expose moins au risque de pneumothorax.
Elle peut être utile chez l’enfant brûlé quand le capital veineux est pauvre et à condition que le creux axillaire soit indemne de lésions et de pilosité [63, 64].
Technique (Fig. 12)
L’enfant est installé en décubitus dorsal, le bras en abduction entre 100 et 120°, la main en supination. La veine est située en dedans et légèrement au-dessous de l’artère. Elle peut être visible sous la peau chez le nourrisson. Après repérage des battements artériels, l’aiguille est introduite parallèlement au bord inférieur de l’artère. Le cathéter est ensuite mis en place par méthode de Seldinger.
Complications spécifiques
Chez l’enfant, le risque de complication augmente avec la durée d’utilisation et il est de 1,1 % par jour de cathétérisme [2].
Il peut exister des effusions pleurales, des hématomes secondaires à une blessure de l’artère mais qui sont accessibles à une compression manuelle ou des lésions du plexus brachial.
Veine fémorale
La voie fémorale n’est pas recommandée chez l’adulte compte tenu d’une plus forte probabilité de thrombose ou d’infection.
Au cours de l’arrêt circulatoire le repérage peut cependant être difficile et au cours du massage cardiaque à coeur ouvert sur clampage aortique les pulsations palpées au niveau fémoral ne sont pas d’origine artérielle mais sont le reflet du flux rétrograde au niveau de la veine cave. Les repères anatomiques de la veine fémorale sont donc modifiés dans cette circonstance [66].
Chez l’enfant, la mesure est également possible et fiable, sous réserve qu’il n’y ait pas d’augmentation de la pression intra-abdominale [68, 69].
Enfin, cette voie peut être très utile chez le grand brûlé chez qui la peau de l’aine est souvent épargnée [71].
La voie fémorale peut enfin être utilisée pour la dialyse : elle est choisie dans 60 % des cas lorsqu’il existe une insuffisance rénale aiguë et dans 55 % des cas lorsqu’il existe une insuffisance rénale chronique [72, 73].
Certaines contre-indications relatives sont à connaîtredont les principales sont :anomalie vasculaire ou malformation du membre inférieur,pathologie abdominale (hématome ou tumeur) pouvant comprimer la veine cave inférieure, infection locale, adénopathies inguinales volumineuses, etc.
Technique (Fig. 13)
L’enfant est placé en décubitus dorsal, la cuisse en abduction de 30° et rotation externe, la jambe se trouvant dans l’axe de la cuisse. Un billot plat est disposé du côté intéressé par la ponction. La position du membre inférieur peut être fixée par un aide, qui appuie modérément au niveau du genou.
La ponction est pratiquée au niveau du triangle de Scarpa, 1 à 2 cm sous l’arcade crurale, en dedans des battements artériels facilement perçus, au niveau du pli inguinal. L’aiguille a une direction oblique vers le haut, dans l’axe de la cuisse, en visant l’ombilic, repère essentiel chez le nouveau-né et le nourrisson, avec un angle de 30 à 45° par rapport au plan cutané. La tunnellisation du cathéter permet de diminuer le risque infectieux chez l’adulte [26]. L’utilisation d’un repérage échographique préalable augmente le taux de succès chez les enfants obèses [2].
Résultats
L’abord fémoral est considéré comme une technique facile avec un taux de succès élevé de 86 % à 97 %, influencé cependant par l’expérience de l’opérateur [2, 74, 75].
Il est réalisable chez les enfants les plus petits avec un taux de succès de 80 % rapporté chez les prématurés de moins de 1000 g [2].Des antécédents de cathétérisme cardiaque contribuent à rendre plus difficile une nouvelle ponction fémorale. Sur une série de 131 enfants ayant déjà subi une ponction fémorale, Celermajer [76] observe qu’une nouvelle ponction se solde par 45 % d’échec et Haas recommande, dans ce cas, d’utiliser préférentiellement l’accès controlatéral même lors de la première tentative [2].
Complications spécifiques
Le taux global de complication de l’abord fémoral est bas, égal à environ 4 % [2, 77, 78].
La ponction artérielle survient dans 14 % des cas [74, 75], elle est le plus souvent sans séquelle mais elle peut être à l’origine d’ischémie transitoire (entraînant une cyanose du membre, transitoire dans 4 % des cas [74]) en rapport avec un spasme de l’artère fémorale, potentiellement grave chez le nouveau-né.Des fistules artérioveineuses fémorales, voire des anévrismes artérioveineux traumatiques, peuvent s’observer après ponction veineuse répétée.L’hématome de ponction, au niveau du triangle de Scarpa, peut se propager à l’articulation coxofémorale, point de départ d’une éventuelle ostéoarthrite de hanche.Les trajets aberrants au niveau des plexus veineux lombaires sont plus fréquents à gauche qu’à droite, en particulier en cas de syndrome de Cockett (compression de la veine iliaque primitive gauche par l’artère iliaque droite) [78]. Lavandosky propose la réalisation systématique d’un cliché radiologique de profil pour dépister ces trajets aberrants [79].
Le mécanisme évoqué est l’infiltration de la paroi antérieure de l’abdomen secondaire au déplacement du cathéter.
Cathéters tunnellisés
Les cathéters tunnellisés ont pour avantages d’avoir un risque infectieux moindre et une durée de vie augmentée par diminution du risque d’ablation accidentelle. La pose d’un cathéter de ce type peut être discutée dès que la durée prévisible d’utilisation dépasse 15 jours [33, 34].La majorité des séries rapportées concernent des patients d’oncologie [81, 82] et, parmi elles, une étude prospective, réalisée en 2000 et portant sur 791 adultes et enfants, a identifié les principales utilisations d’un cathéter tunnellisé dans ce contexte : chimiothérapie dans 72,8 % des cas, greffes de cellules souches dans 18,7 % des cas, nutrition parentérale prolongée dans 6,4 %des cas et administration d’autres médicaments dans 2,1 % des cas.
Technique
Toutes les voies précédemment décrites peuvent servir à mettre en place un cathéter tunnellisé [35, 36, 81, 82]Sovinz a rapporté l’utilisation de cathéters fémoraux tunnellisés pour chimiothérapie, chez des enfants âgés en moyenne de 22 mois, chez qui l’accès cave supérieur était impossible du fait de thromboses ou de localisation particulière des tumeurs [81].
La mise en place d’un cathéter tunnellisé se fait habituellement sous sédation ou anesthésie générale.
Une anesthésie locale de complément peut être réalisée.
L’abord peut être percutané ou chirurgical. Après un repérage échographique ou doppler, la veine est ponctionnée puis un mandrin métallique introduit dans l’aiguille est poussé jusqu’à la veine cave supérieure.
L’aiguille est retirée puis un introducteur avec gaine pelable est glissé sur le mandrin. Le cathéter est tunnellisé à partir d’une incision située sur la face antérieure du thorax (le plus souvent au niveau de la poitrine), dans le plan sous-cutané et son trajet se poursuit jusqu’au site d’entrée dans la veine (situé au niveau du cou).Le cathéter est alors tiré jusqu’à ce que le manchon se trouve à environ 2 cm en souscutané de l’incision thoracique. Le mandrin est retiré et il peut être utilisé pour mesurer la longueur souhaitée du cathéter en vérifiant sous contrôle scopique la bonne position de l’extrémité de ce dernier [34, 36]. Après avoir coupé le cathéter à la longueur voulue et retiré l’introducteur, le cathéter est introduit rapidement dans la gaine pelable qui est en même temps enlevée.
L’ablation de ce type de cathéter nécessite une incision chirurgicale car la traction forte sur le cathéter peut en favoriser la rupture et l’embolie gazeuse, voire la migration dans le ventricule droit puis l’artère pulmonaire.
Résultats
Le taux de succès pour les cathéters tunnellisés est superposable à celui de chacune des différentes techniques d’abord veineux profond, la tunnellisation ne constituant pas en soi une difficulté technique particulière.
Complications spécifiques
Les complications lors de la pose sont les mêmes que celles des différentes techniques.
L’étude de Schwarz, précédemment citée et qui totalise 174 935 jours de cathéters tunnellisés, retrouve une durée de vie médiane de 365 jours et une durée de vie médiane sans complications de 167 jours.
Les facteurs influençant la durée de vie sans complications sont une position du cathéter dans la veine cave supérieure ou l’oreillette droite et l’expérience de l’opérateur (risque augmenté si moins de 75 cathéters tunnellisés en 2 ans) [82].
Cathéters à chambre d’injection implantable
Muller, en 1984, a rapporté l’utilisation de ce type de cathéter, pour réaliser une analgésie péridurale chez des patients adultes atteints de cancer [84].
Ils se sont, depuis, largement développés notamment chez l’enfant où ils sont utilisés pour la prise en charge thérapeutique des cancers (chimiothérapie), de la mucoviscidose (cures d’antibiotiques), de la nutrition parentérale (solutés hyperosmolaires) et de l’hémophilie sévère (traitements substitutifs, induction d’une tolérance immune) [27, 30-32]. Ils ont l’avantage de permettre des traitements à domicile chez de très jeunes enfants [85], de moins limiter l’activité physique et d’être plus esthétiques. La nécessité d’utiliser une aiguille de Huber® pour leur utilisation n’est pas forcément perçue comme un inconvénient majeur [86], mais la fréquence prévue de leur utilisation, l’avis de l’enfant ou de ses parents doivent être pris en compte.
Les contre-indications à la pose d’un cathéter à chambre implantable sont l’existence d’une tumeur médiastinale (avec potentiellement syndrome cave supérieur), les troubles majeurs de la coagulation, des antécédents de phlébite axillo-sous-clavière et l’existence d’une septicémie [20].
Technique
Les cathéters à chambre implantable sont habituellement poséssous anesthésie générale ; une anesthésie locale de complément peut être réalisée.
Il existe deux sites d’accès privilégiés pour ces cathéters : le membre supérieur via la veine basilique ou la veine brachiale (avantage : moins de risque de pneumothorax) et la face antérieure du thorax via la jugulaire interne (avantage : possibilité d’utiliser des cathéters plus gros).
Ces chambres peuvent être utilisées chez des petits enfants avec des cas rapportés de chambre au niveau du membre supérieur chez un nourrisson de 16 mois et au niveau du thorax chez un nourrisson de 9 mois [33]. L’insertion du cathéter peut se faire soit par ponction percutanée, soit par technique de dénudation chirurgicale, sa position centrale est vérifiée sous scopie. La zone d’incision pour l’implantation de la chambre en sous-cutané ne doit pas être en regard de cette dernière. L’opérateur doit s’assurer de la bonne connexion entre la chambre et le cathéter.
Les sutures du plan superficiel sont de plus en plus souvent résorbables ou, dans le cas contraire, leur ablation est effectuée 10 à 12 jours après la pose [20].
Résultats
Le taux de succès pour les cathéters à chambre implantable est superposable à celui de chacune des différentes techniques d’abord veineux profond.
Complications spécifiques
Comme toutes les autres voies centrales, les cathéters à chambre implantable exposent à des complications aiguës lors de la pose et à des complications plus tardives. En dehors de la période postopératoire immédiate, ce type de dispositif doit être strictement indolore. Il faut envisager la possibilité d’une complication devant toute chambre douloureuse [20].
Les complications aiguës possibles, presque toujours liées à l’opérateur, sont :
• les mêmes que celles des cathéters « classiques », fonction de la voie utilisée (plaie artérielle et hématome, pneumothorax...) ;
• spécifiques des chambres : hématome de la poche souscutanée, désinsertion de chambre avec déconnexion chambre/cathéter, déhiscence de plaie ou nécrose cutanée au niveau de la chambre [20, 26].
Il existe principalement quatre complications tardives [20] :
• infections
• extravasation :
• obstruction : complication la plus fréquente (2 à 5 % des cas).
• ulcérations et nécroses cutanées, assez fréquentes, qui nécessitent toujours un abord chirurgical du site pour changer ou replacer la chambre et/ou le cathéter.
Voie ombilicale
C’est la voie veineuse d’élection en salle d’obstétrique quand un nouveau-né est en détresse vitale du fait de la rapidité et de la facilité d’exécution de ce cathétérisme. Cependant, la durée de ce dernier ne doit pas excéder quelques heures en raison des risques thrombotiques favorisés par les injections de solutés hypertoniques, longtemps conseillés dans la littérature pédiatrique.
Technique (Fig. 14)
L’asepsie avec la chlorhexidine alcoolique à 0,5 % est particulièrement soigneuse. La section de l’ombilic, à 10 mm environ de son implantation pariétale, doit être réalisée après vérification de l’absence d’anomalie. L’orifice de la veine, béant, est toujours très bien visible. Le cathéter, purgé, est introduit au moyen d’une pince. La longueur (L) d’insertion recommandée est :
L = (poids en kg × 1,5) + 5,6 et elle est généralement comprise entre 6 et 10 cm [88]. Sa position doit être systématiquement vérifiée ensuite radiologiquement. Il existe un risque de mobilisation de l’extrémité du cathéter lors des mouvements de l’enfant qui peut aller jusqu’à 1,5 cm [88].
Complications spécifiques
Lors de la pose,et si le cathéter veineux ombilical est poussé trop loin dans l’oreillette gauche,des troubles du rythme peuvent survenir,
notamment des tachycardies supraventriculaires type flutter [89].
Des épanchement péricardiques sont possibles, favorisés par une plus grande fragilité de la paroi myocardique chez les nouveau-nés et résultant rarement d’une perforation directe mais le plus souvent de lésions endothéliales liées au contact du cathéter et à la perfusion de solutés hyperosmolaires [88]. Secondairement, le risque majeur est l’oblitération du troncporte avec apparition secondaire d’une hypertension portale sévère (cavernome portal) potentiellement responsable d’hémorragies digestives. La perfusion de solutés hypertoniques peut entraîner des infarctus hépatiques, mésentériques, voire pulmonaires. Le risque infectieux est important avec un taux de colonisation du cathéter de 22 à 59 % et un taux d’infection liée au cathéter pouvant aller jusqu’à 8 % [90].
Voie épicutanéocave
Les cathéters épicutanéocave (peripherally inserted central catheter) font partie du groupe des cathéters de durée « intermédiaire » et sont donc indiqués classiquement lorsque l’abord veineux est nécessaire pour plus de 7 jours et moins de 3 mois [91, 92].
Leurs principales indications sont l’administration de chimiothérapies, d’antibiothérapies prolongées ou les nutritions parentérales. Des transfusions sont possibles dès que le diamètre du cathéter est supérieur ou égal à 4 Fr [92].
Technique
La technique du cathétérisme épicutanéocave a été décrite initialement par Shaw en 1973 [95]. La pose se fait habituellement sous simple sédation et comporte cinq étapes :
• un repérage préalable, requis chez les prématurés ou les petits enfants et qui fait appel, soit à une veinographie (qui nécessite une opacification préalable des veines du bras), soit à une échographie (moins irradiante pour le patient et l’opérateur et qui ne nécessite pas d’accès veineux préalable) [33, 34, 91, 92] ;
• la ponction est réalisée au niveau de trois veines périphériques préférentielles (basilique, céphalique ou saphène) au moyen d’une aiguille de préférence sécable ;
• lorsqu’un retour veineux est obtenu, l’ensemble « cathéterguide radio-opaque »
• la fixation du cathéter sur la peau se fait, chez les prématurés, au moyen d’un pansement transparent perméable à la transpiration.
Chez les enfants plus grands, ils peuvent être tunnellisés ;
• une radiographie thoracique de contrôle est réalisée après la fixation. Chez l’adulte, la meilleure incidence pour voir précisément l’extrémité du cathéter épicutanéocave est l’incidence oblique postérieure droite [97].
Aucun bilan sanguin n’est requis avant la procédure sauf s’il existe une coagulopathie, si le patient est instable ou si des difficultés de pose sont prévisibles (risque que la procédure se termine en cathéter central « classique »). Ces difficultés prévisibles existent chez les nouveau-nés (a fortiori les prématurés) ou chez les enfants ayant eu de multiples abords veineux.
Complications spécifiques
Le taux global de complication varie entre 3,8 et 7,3 % [91, 92] et il est multiplié par 8,3 lorsque l’extrémité du cathéter épicutanéocave n’est pas en position centrale [98].
Les complications lors de la pose sont exceptionnelles même si Hacking rapporte deux cas
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