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medicalised transport,medical assistance, plastic surgery

Anesthésie en ophtalmologie pédiatrique

 

 

Anesthésie en ophtalmologie pédiatrique

 

hops

 

 

 

J.-P. Haberer

Les interventions les plus fréquentes en ophtalmologie pédiatrique sont prises en charge dans les services d’ophtalmologie d’adultes, et tout médecin anesthésiste doit pouvoir y faire face. À l’inverse, certaines affections oculaires plus rares sont traitées dans des services spécialisés. L’anesthésie pour chirurgie ophtalmologique pédiatrique n’a pas beaucoup de spécificités et les règles générales de l’anesthésie pédiatrique y sont applicables. L’induction de l’anesthésie générale peut être effectuée soit par inhalation, soit par voie intraveineuse. La curarisation est réalisée par un curare non dépolarisant. La succinylcholine est réservée aux situations d’urgence avec estomac plein. Le contrôle des voies aériennes est obtenu par intubation trachéale avec des sondes précoudées. Le masque laryngé est utilisable dans ce type d’anesthésie. La chirurgie ophtalmologique permet une reprise précoce de l’alimentation orale, le seul facteur limitant étant la survenue de nausées et de vomissements qui sont surtout fréquents après chirurgie du strabisme et chirurgie vitréorétinienne. La douleur postopératoire est parfois forte après certaines interventions. Elle est traitée selon les mêmes protocoles que dans les autres types de chirurgie.

La chirurgie du strabisme, des voies lacrymales et les traumatismes oculaires représentent la majorité des interventions. La prise en charge des autres maladies oculaires de l’enfant (cataracte, glaucome, rétinoblastome) est complexe et nécessite fréquemment des anesthésies répétées.


Mots clés : Anesthésie pédiatrique ; Cataracte congénitale ; Glaucome congénital ; Ophtalmologie ; Rétinoblastome ; Strabisme ; Traumatismes oculaires ; Voies lacrymales 


Introduction

La chirurgie ophtalmologique pédiatrique est le plus souvent une chirurgie programmée, les urgences étant presque exclusivement d’origine traumatique. En fonction de l’organisation régionale de ce type de chirurgie, les patients sont pris en charge soit dans le service de chirurgie pédiatrique, soit dans le service d’ophtalmologie. Certaines pathologies tumorales, rétinoblastome surtout, sont souvent traitées par le centre anticancéreux régional.


Certaines anomalies oculaires sont dépistées par l’échographie prénatale (cataracte, microphtalmie, mucocèle nasolacrymale ou dacryocystocèle, anomalies des paupières). Lorsqu’une intervention est nécessaire dans la période néonatale, elle est au mieux réalisée dans un service de chirurgie pédiatrique. La chirurgie du strabisme représente près de 60 à 70 % des actes d’ophtalmologie pédiatrique. Les autres interventions incluent les affections des voies lacrymales, les cataractes, le glaucome, le ptosis, le décollement de la rétine, les tumeurs (rétinoblastome) et la rétinopathie des prématurés. Certaines maladies oculaires sont peu fréquentes chez l’enfant et le maintien d’équipes performantes nécessite le regroupement des activités dans des unités très spécialisées.En revanche, la chirurgie du strabisme, des voies lacrymales, et la plupart des traumatismes oculaires peuvent être pris en charge dans un service d’ophtalmologie adulte qui comporte une organisation adaptée pour accueillir des enfants.

La chirurgie ophtalmologique de l’adulte est réalisée dans deux tiers des cas sous anesthésie locale et locorégionale. À l’inverse, l’anesthésie générale est la règle chez l’enfant.

Cependant, de nombreux actes peuvent être réalisés sur le mode ambulatoire.

Les données anatomiques, physiologiques (pression intraoculaire [PIO] et physiologie de l’humeur aqueuse) et physiopathologiques (réflexe oculocardiaque) sont traitées dans l’article « Anesthésie en ophtalmologie » de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. [1]

 

Point fort

Principales interventions de chirurgie ophtalmologique chez l’enfant.

- Examens ophtalmologiques sous anesthésie générale : mesure de la pression intraoculaire, examen du fond d’oeil, examens itératifs de surveillance de tumeurs oculaires, examens électrophysiologiques.

- Cataracte congénitale, cataracte sporadique.

- Glaucome congénital.

- Strabisme.

- Ptosis congénital.

- Exploration et chirurgie des voies lacrymales.

- Chirurgie du rétinoblastome.

- Traumatismes oculaires.

- Rétinopathie des prématurés.

- Divers : nystagmus congénital, chirurgie réfractive, autres tumeurs.

 

 

Anesthésie

Évaluation préopératoire

L’évaluation préanesthésique obéit aux règles générales de l’anesthésie pédiatrique. [2]

Les interventions étant le plus souvent programmées, la consultation préanesthésique a lieu à distance de l’intervention. 

 Certaines affections oculaires nécessitent des anesthésies répétées et, en fonction des délais entre deux anesthésies et des antécédents, il n’est pas nécessaire de répéter la consultation.

 

Chez une faible fraction d’enfants (moins de 10 %), l’affection oculaire fait partie d’une maladie héréditaire qui peut comporter des atteintes d’autres appareils qui ont une incidence sur la conduite de l’anesthésie. [3] 

 

Dans certaines maladies héréditaires, la fréquence de l’intubation difficile est augmentée. Chez l’enfant sans antécédents, et avant l’âge de la marche, les examens complémentaires sont limités aux tests d’hémostase (temps de prothrombine et temps de céphaline activé). Avant l’âge de 1 an, une numération globulaire est recommandée.

Les règles du jeûne sont les mêmes que celles de toute anesthésie pédiatrique. La prise de liquides clairs est autorisée jusqu’à 2 à 3 heures avant l’anesthésie. [4] Tous les médicaments utilisés en collyre sont absorbés par voie systémique et ils peuvent entraîner des effets généraux. Ceux-ci sont exceptionnels avec les collyres anti-inflammatoires (anti-inflammatoires non stéroïdiens et corticoïdes) et les collyres mydriatiques qui ne sont utilisés que ponctuellement, notamment pour les examens ophtalmologiques.

Une goutte de collyre a un volume moyen de 50 à 75 μl et la biodisponibilité maximale est atteinte pour un volume de seulement 20 μl. [5] L’administration de plusieurs gouttes à la fois expose l’enfant à une réabsorption accrue, car l’excédent passe dans les voies lacrymales, les fosses nasales, l’oropharynx et le tube digestif après déglutition. Le médicament absorbé par la muqueuse nasale échappe à l’effet de premier passage hépatique. Lors de l’administration du collyre, la compression du canthus interne limite son passage vers les voies lacrymales. Le renouvellement des larmes explique que le médicament déposé dans les culs-de-sac conjonctivaux a pratiquement disparu en 5 minutes.Le respect des règles d’administration des collyres (dose, méthode d’administration) a réduit considérablement le risque d’effets systémiques qui ne sont guère observés qu’avec les médicaments antiglaucomateux (bêtabloquants surtout).


Certaines affections oculaires sont à l’origine d’un stress important pour l’enfant et les parents, et une prémédication est conseillée. Les médicaments et la voie d’administration n’ont pas de spécificité. Le midazolam par voie orale à la dose de 0,5 à 0,75 mg kg–1, 20 à 30 minutes avant l’induction de l’anesthésie, est efficace pour calmer l’appréhension de l’enfant. En France, le midazolam n’étant pas disponible sous forme de sirop, il est souvent remplacé par l’hydroxyzine (sirop à la dose de 1 mg kg–1) ou le diazépam (sirop à la dose de 0,2 à 0,3 mg kg–1). Chez les enfants de moins de 3 ans, le midazolam (forme intraveineuse) peut être administré par voie intrarectale.


L’endophtalmie est une complication infectieuse grave de la chirurgie ophtalmologique. [6] Néanmoins, l’antibioprophylaxie n’est pas systématique et elle est réservée aux cas suivants : traumatismes oculaires, complications peropératoires (perte de vitré), réinterventions, implantation secondaire d’un implant cristallinien, patients diabétiques ou immunodéprimés. Les antibiotiques administrés par voie générale peuvent être associés à l’administration d’antibiotiques par voie locale (sousconjonctivale, intracamérulaire ou intravitréenne).

Point fort

Maladies congénitales comportant des anomalies oculaires et dans lesquelles la fréquence de l’intubation difficile est augmentée.

- Syndrome d’Apert (acrocéphalosyndactylie).

- Maladie de Crouzon (anomalie craniofaciale isolée).

- Syndrome de Down (trisomie 21).

- Syndrome d’Edward (trisomie 18).

- Maladie de Farber (lipogranulomatose disséminée, maladie métabolique proche des mucopolysaccharidoses).

- Syndrome de Goldenhar (dysplasie oculo-auriculovertébrale).

- Syndrome de Hallermann-Streiff (syndrome oculomandibulo-facial).

- Syndrome de Hunter (mucopolysaccharidose II).

- Syndrome de Hurler (mucopolysaccharidose I).

- Syndrome de la fente faciale médiane.

- Syndrome de Moebius (diplégie faciale congénitale).

- Syndrome de Morquio-Ullrich (mucopolysaccharidose IV) : subluxation atloïdo-occipitale.

- Syndrome de Patau (trisomie 13).

- Syndrome de Pierre-Robin.

- Maladie de Pompe (glycogénose II).

- Syndrome de Rieger (anomalies oculaires, des os de la face et du système nerveux central).

- Syndrome de Rubinstein-Taybi (syndrome du pouce large, nanisme congénital avec malformations craniofaciales).

- Syndrome de Treacher-Collins (dysostose mandibulofaciale).

- Syndrome de Wagner-Stickler (arthro-ophtalmopathie héréditaire progressive).

 

à 0,75 mg kg–1, 20 à 30 minutes avant l’induction de l’anesthésie, est efficace pour calmer l’appréhension de l’enfant. En France, le midazolam n’étant pas disponible sous forme de sirop, il est souvent remplacé par l’hydroxyzine (sirop à la dose de 1 mg kg–1) ou le diazépam (sirop à la dose de 0,2 à 0,3 mg kg–1). Chez les enfants de moins de 3 ans, le midazolam (forme intraveineuse) peut être administré par voie intrarectale.

L’endophtalmie est une complication infectieuse grave de la chirurgie ophtalmologique. [6] Néanmoins, l’antibioprophylaxie n’est pas systématique et elle est réservée aux cas suivants : traumatismes oculaires, complications peropératoires (perte de vitré), réinterventions, implantation secondaire d’un implant cristallinien, patients diabétiques ou immunodéprimés.

 

Les antibiotiques administrés par voie générale peuvent être associés à l’administration d’antibiotiques par voie locale (sousconjonctivale, intracamérulaire ou intravitréenne).


Période peropératoire

Comme pour les autres actes, certaines équipes d’anesthésie autorisent la présence des parents en salle d’induction, surtout pour les enfants entre 1 et 6 ans. Certains enfants plus âgés ayant un retard mental ou très anxieux peuvent aussi bénéficier de la présence d’un des parents.

Le choix des agents anesthésiques pour l’induction anesthésique dépend plus de leur profil pharmacocinétique et pharmacodynamique que de leur effet sur la PIO. Avant l’âge de 5 ans, l’induction est le plus souvent réalisée par inhalation. Le sévoflurane est l’anesthésique volatil le plus utilisé. Lorsque l’induction est programmée par voie intraveineuse, la ponction veineuse est facilitée par la mise en place de crème Emla® environ 60 minutes avant la ponction (Tableau 1).

Tableau 1.

Protocole anesthésique standard pour la chirurgie ophtalmologique pédiatrique.

Prémédication

Midazolam par voie orale : de 0,50 à 0,75 mg kg-1 (dose maximale 15 mg), 15 à 30 minutes avant l’induction ou hydroxyzine (sirop) 1 mg kg-1 ou midazolam par voie rectale (1 mg kg-1) chez les enfants de moins de 3 ans 

 Crème Emla® en deux sites (dos de la main)

Induction

Par inhalation : sévoflurane

Par voie intraveineuse : propofol, de 3,5 à 5 mg kg-1

Intubation trachéale après curarisation par vécuronium, 0,1 mg kg-1, ou autre curare non dépolarisant

Entretien

Ventilation contrôlée sévoflurane et protoxyde d’azote ou propofol en perfusion continue

Analgésie : fentanyl, de 1 à 3 μg kg-1, ou sufentanil, de 0,1 à 0,3 μg kg-1

Réveil

Extubation ou ablation du masque laryngé selon la technique habituelle

Analgésie en fonction du type de chirurgie

Traitement des NVPO, en sensibilisant les infirmières des unités d’hospitalisation

 

Contrôle des voies aériennes

La chirurgie ophtalmologique réduit l’accès à la tête au cours de l’intervention. En cas d’anesthésie générale, il faut donc assurer la liberté des voies aériennes supérieures, habituellement par l’intubation trachéale.

 

Celle-ci est réalisée avec ou sans administration d’un curare non dépolarisant. Les sondes d’intubation préformées facilitent la fixation de la tête et des tuyaux du ventilateur. Il faut surveiller les éventuels mouvements de la tête induits par le chirurgien et vérifier le positionnement correct de la sonde d’intubation.Le masque laryngé a les faveurs de certains anesthésistes. [7, 8] Sa principale contre-indication est l’estomac plein, car il ne protège pas contre l’inhalation bronchique.Le masque laryngé limite l’augmentation de la pression intraoculaire.

 

Son déplacement peropératoire est rare. La version armée du masque laryngé est bien adaptée à la chirurgie ophtalmologique. Le masque laryngé est très utile en cas d’intubation difficile prévisible.


Le propofol relâche les muscles de l’oropharynx et atténue les réflexes laryngés. À la dose de 3,5 à 4 mg kg–1, éventuellement associé à la lidocaïne à 0,5 à 1,0 mg kg–1, il assure de bonnes conditions de mise en place du masque laryngé chez la plupart des enfants. Le masque laryngé peut aussi être mis en place sous anesthésie au sévoflurane. La concentration télé-expiratoire de sévoflurane qui autorise sa mise en place dans d’excellentes conditions chez 50 % des enfants est de 2,0 %, tandis que la concentration alvéolaire minimale (MAC) pour l’intubation trachéale est de 2,83 %. [9]


Entretien de l’anesthésie

L’entretien de l’anesthésie n’a pas de spécificité. Il est réalisé par les anesthésiques halogénés (sévoflurane, desflurane) ou par voie intraveineuse par perfusion de propofol. La ventilation est spontanée pour les actes brefs de 15 à 30 minutes. Au-delà d’une durée de 30 minutes, la ventilation est le plus souvent contrôlée. Le monitorage de la concentration des anesthésiques volatils assure une profondeur d’anesthésie stable.

Pour les actes douloureux, l’analgésie a recours au fentanyl à la dose de 1 à 2 μg kg–1 ou à une dose équipotente d’alfentanil ou de sufentanil. 

 Après l’induction de l’anesthésie générale, ou bien 30 minutes environ avant la fin de l’acte chirurgical, l’administration d’antiémétiques (dropéridol, 75 μg kg–1 ; ondansétron, de 0,10 à 0,15 mg kg–1) pour la prévention des nausées et des vomissements postopératoires (NVPO) est recommandée chez les enfants à haut risque. [10-12]


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