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medicalised transport,medical assistance, plastic surgery

Anesthésie pour la chirurgie de recouvrement cutané

 

 

Anesthésie pour la chirurgie de recouvrement cutané

 

 

YOUSRA G 2

 

 

Indications opératoires

Les indications opératoires sont les brûlures profondes au sein desquelles il n’y a pas assez d’îlots de régénération pour obtenir une réépithélialisation de bonne qualité (2e degré profond et 3e degré). La chirurgie est habituellement programmée entre le 10e et le 14e jour. Il existe de longue date un débat sur le moment le plus approprié pour l’excision-greffe des brûlures.


Certaines équipes préconisent une avulsion plus précoce des tissus brûlés, entre le 1er et le 5e jour, dans le but de raccourcir la phase secondaire et in fine de réduire la durée d’hospitalisation.

Les études publiées montrent, dans ces conditions, une diminution du saignement opératoire et de la morbidité infectieuse par rapport aux interventions chirurgicales réalisées au-delà du 10e jour. Cependant cette notion est controversée. Le principal facteur de saignement opératoire est la technique chirurgicale. L’excision tangentielle permet une épargne maximale de tissus mais expose à un saignement important ; l’avulsion ou excision à l’aponévrose est plus délabrante mais moins hémorragique. La plupart des équipes considèrent aujourd’hui que seules les brûlures profondes du 3e degré doivent être excisées à l’aponévrose ; les brûlures par projection de liquide bouillant, qui sont les plus fréquentes chez l’enfant, sont exceptionnellement aussi profondes et doivent être excisées tangentiellement. Après excision, le recouvrement cutané peut faire appel à des autogreffes dermoépidermiques de peau mince (continues ou en filet) ; à des substituts de recouvrement temporaire : homogreffes provenant de banques de tissus humains, xénogreffes ou derme artificiel Integra® ; ou encore aux cultures de kératinocytes.


Le choix entre ces différentes techniques dépend de la sévérité des lésions et de la qualité des tissus qui doivent recevoir la greffe. En matière d’autogreffe, le site donneur de greffe privilégié chez l’enfant de plus de 9 mois est le cuir chevelu [44] : la zone donneuse est étendue, les prélèvements sont d’excellente qualité et la cicatrice est masquée après la repousse des cheveux.


Évaluation préopératoire

L’évaluation préopératoire porte sur la gravité de la brûlure et de la réaction inflammatoire avec, à ce stade, bien souvent une ou plusieurs défaillances d’organe, en particulier respiratoire, qu’il convient de stabiliser avant la chirurgie. Il faut en revanche éviter de récuser à tort un enfant au statut certes précaire mais pour qui l’excision des tissus nécrosés et le recouvrement temporaire des lésions sont une étape indispensable pour diminuer la réaction inflammatoire systémique et pour préparer le sous-sol en vue des autogreffes futures.


Les brûlures de la face peuvent être responsables de difficultés d’intubation du fait d’un début de rétraction, mais cela concerne davantage la chirurgie des séquelles que la chirurgie de recouvrement cutané à la phase aiguë. Il existe constamment une anémie préopératoire, d’origine mixte (hémolyse dans les tissus brûlés, saignements répétés des tissus sous-jacents lors des soins, inflammation). Cette anémie impose d’anticiper la nécessité d’une transfusion érythrocytaire dès que la surface excisée dépasse 10 %. Il existe plus fréquemment une hypercoagulabilité qu’une hypocoagulabilité, du moins lorsque la chirurgie est réalisée au-delà du 3e jour.


Conduite de l’anesthésie

La chirurgie de recouvrement cutané à la phase aiguë de la brûlure est une chirurgie très hémorragique. Une excisiongreffe de 20 % de la surface corporelle peut entraîner la perte d’une demi-masse sanguine, voire plus si le chirurgien ne pratique pas une hémostase soigneuse [45]. Lorsque la surface brûlée est importante, les excisions doivent donc être réalisées en plusieurs temps.

 

C’est également une chirurgie qui expose particulièrement au risque d’hypothermie, en raison de l’étendue du champ opératoire, et aux complications du décubitus ventral et des changements de position.


La limitation des pertes sanguines et l’épargne transfusionnelle sont des préoccupations majeures lors de l’anesthésie du patient brûlé. En dehors du choix du moment de la chirurgie et de la technique d’excision (Cf. supra), l’utilisation de garrots pour les excisions distales des membres, [46] l’infiltration ou l’application de solutions adrénalinées sur les zones de prélèvement et sur les zones excisées [47] sont autant de moyens à utiliser de façon isolée, ou mieux combinée, [48] pour réduire le saignement. La récupération de sang à partir du champ opératoire est impossible du fait de la contamination bactérienne des zones excisées. Sur le versant anesthésique, l’anémie préopératoire empêche d’avoir recours à l’autotransfusion mais peut autoriser un certain degré d’hémodilution en cours d’intervention.

L’utilisation d’érythropoïétine aux doses usuelles augmente très peu la masse globulaire chez le patient brûlé [49].

L’administration d’agents antifibrinolytiques comme l’aprotinine est efficace mais ne peut être envisagée en pratique courante du fait du risque d’accident d’hypersensibilité.


Le réchauffement du patient doit utiliser tous les moyens disponibles : élévation de la température de la salle, chaleur radiante et chaleur pulsée.

Le monitorage de la température centrale est systématique. En cas de prélèvement sur le cuir chevelu, le pansement doit être réalisé immédiatement pouréviter des pertes caloriques importantes.

 

Le réchauffement participe également à l’épargne transfusionnelle puisque l’hypothermie induit par elle-même une dysfonction plaquettaire. La technique anesthésique a pour objectif premier l’obtention d’une bonne stabilité hémodynamique. Le monitorage invasif de la pression artérielle, en plus des paramètres habituels, est indiqué chaque fois que le saignement risque de dépasser une demi-masse sanguine et/ou qu’il va y avoir un changement de position opératoire.

Le choix des agents anesthésiques n’a pas une importance déterminante et constitue surtout une affaire d’école. Les agents halogénés (sévoflurane ou desflurane) peuvent être préférés aux hypnotiques intraveineux en raison de leur cinétique rapide et de leurs faibles effets cardiovasculaires à des concentrations inférieures à 1,5 MAC [50].

En outre, ces agents n’ont plus les inconvénients de l’halothane en termes de sensibilisation immunitaire lors d’expositions répétées ou de sensibilisation aux troubles de rythme induits par les catécholamines exogènes.

En ce qui concerne le morphinomimétique, le sufentanil peut être utilisé à la dose de 0,2 μg kg–1 à l’induction et 0,3 à 0,5 μg kg–1 h–1 en entretien chez les enfants qui n’ont pas été exposés à de fortes doses de morphinomimétique en préopératoire, et à des doses supérieures aux doses préopératoires dans les autres cas. Dans ce type d’intervention, qui reste une chirurgie de surface, il est exceptionnel d’avoir besoin d’un myorelaxant. Il faut quand même rappeler la contre-indication formelle de la succinylcholine au-delà de la 24e heure après la brûlure, et la classique diminution des effets des myorelaxants non dépolarisants chez les patients brûlés.


L’obtention d’une bonne stabilité hémodynamique repose également sur la compensation rigoureuse des besoins d’entretien et des pertes sanguines. Chez l’enfant, les apports correspondant aux besoins d’entretien peuvent être estimés par la règle des 4-2-1 [51]. Ils sont de 4 ml kg–1 h–1 pour un enfant pesant moins de 10 kg et de 3 à 4 ml kg–1 h–1 pour un enfant de 10 à 20 kg. Il faut ajouter à ces chiffres entre 0 et 4 ml kg–1 h–1 pour tenir compte de la majoration des pertes insensibles induite par la chirurgie (0 pour une excision-greffe de quelques cm2, 2 ml kg–1 h–1 pour une excision-greffe intéressant 10 à 20 % de la surface cutanée, 4 ml kg–1 h–1 au-delà).


“ Point important

Règle des 4-2-1 : guide pour l’estimation des besoins d’entretien pendant la chirurgie (volume horaire de perfusion) :

- poids < 10 kg : 4 ml kg–1 ;

- poids entre 10 et 20 kg : 40 ml + 2 ml kg–1 pour chaque kg au-dessus de 10 kg ;

- poids > 20 kg : 60 ml + 1 ml kg–1 pour chaque kg audessus de 20 kg.

 

Les besoins d’entretien doivent être compensés par des solutés riches en NaCl. La perfusion de sérum glucosé à 5 % sans électrolytes est directement responsable d’encéphalopathies hyponatrémiques chez l’enfant [52].

Si un apport glucosé minimal est souhaitable chez le nouveau-né et l’enfant recevant une nutrition parentérale, il existe constamment une intolérance glucidique postopératoire conduisant à des hyperglycémies  fréquentes chez le plus grand enfant. La plupart des équipes pédiatriques utilisent aujourd’hui des solutés qui apportent 6 g de NaCl et 10 g de glucose par litre (soluté de type B66) [53]. Le contrôle précis des débits de perfusion grâce à une métrisette, un pousse-seringue ou une pompe volumétrique est également indispensable. Il est dangereux d’utiliser directement des flacons ou des poches de 500 ml pour administrer les apports hydroélectrolytiques peropératoires chez le nourrisson de moins de 1 an.


Les pertes sanguines peuvent être compensées au début par les mêmes solutés en tenant compte du faible pouvoir d’expansion des cristalloïdes isotoniques (3 volumes pour 1). Mais le bilan des entrées et des sorties devient rapidement difficile à tenir. En pratique, il est plus facile de dédier une voie veineuse de bon calibre à la compensation des pertes sanguines et de l’utiliser pour administrer des colloïdes au début du temps opératoire et les concentrés de globules rouges une fois que le saignement est contrôlé. Cette attitude va entraîner un certain degré d’hémodilution qui peut participer de façon non négligeable à l’épargne transfusionnelle si le taux d’hématocrite de départ n’est pas trop bas.L’intervention se termine par la réalisation d’un pansement. Ce temps supplémentaire doit être mis à profit pour normaliser l’hématocrite et la température centrale avant d’envisager l’extubation du patient.


L’anesthésie locorégionale peut constituer une alternative à l’anesthésie générale quand la chirurgie intéresse une surface réduite, sur un membre par exemple [54]. Le bloc sympathique associé au bloc des fibres sensitives peut avoir des effets favorables sur la revascularisation de la greffe. Les indications restent néanmoins assez marginales chez l’enfant car, fréquemment, c’est le cuir chevelu qui est retenu comme site de prélèvement. L’infiltration par l’opérateur des sites donneurs (anesthésie tumescente) est une technique séduisante [55].

L’anesthésiste-réanimateur doit cependant veiller au respect des doses maximales d’anesthésique local.


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