medicalised transport,medical assistance, plastic surgery
Modalités d’administration - schémas d’utilisation des sédatifs
Les modalités ont été détaillées dans une conférence de consensus,
[3] des Recommandations pour la Pratique Clinique [4] et plus spécifiquement pour la réanimation préhospitalière et médecine d’urgence dans une conférence d’experts. [34]
Les recommandations nord-américaines ont été récemment réactualisées. [35]
On peut résumer selon les schémas ci-après.
Sédation chez le patient en ventilation spontanée
L’utilisation de médicaments sédatifs chez le patient en ventilation spontanée est limitée par le retentissement ventilatoire qu’ils entraînent.
Leur emploi impose donc une surveillance clinique rigoureuse et un monitorage continu de la saturation oxyhémoglobinée. Les morphinomimétiques et les benzodiazépines ne sont pas associés car le retentissement ventilatoire est amplifié.
États anxieux (Tableau 2)
Ils sont traités par des benzodiazépines per os (lorazépam : 3 à 15 mg j–1 ; clorazépate dipotassique : 50 à 200 mg j–1 ; midazolam : 0,1 mg kg–1 ; buspirone : 20 à 80 mg j–1). En cas d’agitation associée, les neuroleptiques sédatifs sont indiqués (chlorpromazine : 25 à 300 mg j–1 ; cyamémazine : 50 à 600 mg j–1). Si la composante dépressive est importante, on peut utiliser les antidépresseurs sédatifs (amitriptyline : 50 à200 mg j–1 ; trimipramine : 50 à 200 mg j–1 ; doxépine : 50 à 200 mg j–1).
Tableau 2. Dénomination commune internationale (DCI), noms de spécialité et doses des principaux médicaments utilisables dans les états anxieux | ||
DCI | Nom de spécialité | Doses |
Lorazépam | Lorazepam®, Temesta® | 3 à 15mg j-1 |
Clorazépate dipotassique | Noctran®, Tranxène® | 50 à 200 mg j-1 |
Midazolam | Hypnovel®, Midazolam® | 0,1 mg kg-1 |
Chlorpromazine | Largactil® | 25 à 600 mg j-1 |
Cyamémazine | Tercian® | 50 à 600 mg j-1 |
Amitriptyline | Élavil®, Laroxyl® | 50 à 200 mg j-1 |
Trimipramine | Surmontil® | 50 à 200 mg j-1 |
Doxépine | Quitaxon® | 50 à 200 mg j-1 |
États psychotiques aigus et agitation secondaire à un sevrage
Ils justifient les neuroleptiques (halopéridol : 5 à 30 mg j–1 ;loxapine : 150 à 600 mg j–1). Les sevrages alcooliques peuvent être traités avec efficacité par le tiapride (400 à 1 200 mg j–1).
États dépressifs
Ils nécessitent avant tout des antidépresseurs tricycliques (clomipramine : 50 à 150 mg j–1).
On peut préférer la viloxazine (200 à 400 mg j–1), dénuée d’effets anticholinergiques. Les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (fluoxétine, paroxétine, sertraline, etc.) ont montré leur efficacité etleur sécurité d’emploi. Les anxiolytiques sont systématiquement associés.
États douloureux
Ils requièrent avant tout des morphinomimétiques, la plupart du temps administrés par voie intraveineuse.
La technique classique consiste à administrer de la morphine à la dose de 0,15 à 0,20 mg kg–1 (dose de charge), puis en administration continue (0,01 à 0,05 mg kg–1 h–1).
En fait, afin de limiter les effets secondaires, principalement la dépression respiratoire, la méthode par titration est préférable : la morphine est alors administrée avec une injection de 0,05 mg kg–1 toutes les 5 à 10 minutes. Ainsi, une dose de 3 mg toutes les 7 minutes est acceptable pour un adulte en bon état général. L’administration de morphine est arrêtée lorsque l’échelle visuelle analogique est inférieure ou égale à 30 mm (ou l’échelle verbale simple, EVS ≤ 2).
Une autre méthode consiste à utiliser l’analgésie autocontrôlée par le patient (ACP ou PCA des Anglo-Saxons).
Les indications sont nombreuses, sous réserve d’un état de conscience normal.
Le schéma suivant peut être proposé : pas de débit continu, concentration 1 mg ml–1, bolus de 1 mg, période réfractaire de 10 minutes.
Les autres morphinomimétiques sont moins maniables en ventilation spontanée car ils exposent au risque d’accumulation et à la dépression respiratoire lors des réinjections.
L’analgésie locorégionale présente des indications intéressantes en réanimation, notamment dans deux circonstances essentielles :la période postopératoire et la traumatologie thoracique. [36] Elle permettrait notamment d’obtenir une diminution de la durée d’hospitalisation, de la morbidité et de la mortalité par l’intermédiaire d’effets non analgésiques,
en particulier par ses actions sur le stress postagressif et la composante d’hyperactivité du système sympathique. [37] Elle améliore nettement le confort du patient et permet une pratique efficace de la kinésithérapie. Les blocs périphériques peuvent avoir une utilité dans des douleurs postchirurgicales périphériques et localisées. Comme ils ne bloquent que les influx d’origine pariétale et non les douleurs viscérales, ils devront s’accompagner d’une prescription d’antalgiques par voie générale. [36] Hormis des protocoles précis dans des chirurgies spécifiques,l’utilisation de l’analgésie locorégionale au long cours sur des patients de réanimation a été insuffisamment étudiée, notamment dans le risque infectieux ou toxique ; ces techniques posent de nombreux problèmes du fait de la prescription en réanimation de médicaments anticoagulants. De plus, la comparaison avec l’analgésie autocontrôlée, plus simple dans son maniement et sa surveillance, mérite d’être étudiée.
Sédation pour l’intubation
L’intubation à séquence rapide (crash induction)
consiste en l’administration intraveineuse d’un hypnotique d’action rapide et d’un curare dépolarisant de courte durée d’action. Cette induction anesthésique doit être associée à la manoeuvre de Sellick afin d’éviter tout risque de régurgitation.Cette méthodeest actuellement recommandée en réanimation et médecine préhospitalière.
[34]Les produits recommandés sont l’étomidate dont la maniabilité et la stabilité hémodynamique sont capitales (0,5 mg kg–1) et la succinylcholine (1 mg kg–1).Si cette association est particulièrement efficace, il faut cependant rappeler que, mis à part le risque allergique déjà signalé, les contre-indications à l’utilisation de succinylcholine doivent être scrupuleusement respectées : atteinte musculaire congénitale, syndrome de dénervation, brûlures graves, déficit congénital en cholinestérases plasmatiques, antécédents personnels ou familiaux d’hyperthermie maligne, d’hyperkaliémie connue ou suspectée, derhabdomyolyse traumatique.
D’autres médicaments sont d’emploi plus difficile pour l’intubation en réanimation et médecine d’urgence :
• Le thiopental est à déconseiller en raison de son retentissement hémodynamique.
• Le propofol peut, à dose élevée (2 à 3 mg kg–1), permettre l’intubation sans adjonction de curare. Néanmoins, son retentissement hémodynamique en limite largement l’usage dans le contexte de la réanimation.
• Le gamma-hydroxybutyrate de sodium n’a plus d’indications en raison de ses effets secondaires (hypokaliémie, poussée hypertensive, etc.).
• Le midazolam n’estpassupérieur à l’étomidate
et ses caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques n’en font pas un bon agent d’induction.
• Les curares non dépolarisants n’ont pas d’indication dans l’intubation en urgence.
La sédation et l’analgésie continues doivent être débutées le plus tôt possible après l’intubation. L’association midazolamfentanyl (midazolam 0,1 mg kg–1 h–1, fentanyl 2 à 5 μg kg–1 h–1) est la plus utilisée en gardant à l’esprit ses effets vasodilatateurs et hypotenseurs.
Sédation chez le patient intubé et ventilé
Techniques non médicamenteuses
Le patient ventilé nécessite, tout autant que le patient non ventilé, la mise en place de techniques non médicamenteuses. L’information fournie au patient, les explications sur les soins et les gestes, la sensibilisation du personnel soignant permettent de prévenir efficacement la plupart des états d’agitation sous respirateur.
La constatation d’un état d’agitation, source d’une désadaptation du respirateur, impose la recherche systématique d’une circonstance déclenchante.Deux grandes sortes de causes sont possibles :les unes sont liées à un dysfonctionnement du respirateur (réglage inadapté des constantes ventilatoires,
débranchement, fuites d’air accidentelles, engorgement des humidificateurs, etc.), les autres sont liées au patient et à la survenue d’une complication intercurrente.
La recherche d’un état de choc, d’une atélectasie, d’un pneumothorax, d’une embolie pulmonaire s’impose avant toute prescription d’une sédation.
Dans ces situations, l’injection en bolus d’une benzodiazépine, d’un morphinomimétique oude propofol a
des conséquences délétères souvent dramatiques, à type d’hypotension profonde et prolongée, voire d’arrêt cardiaque.
Sédation-analgésie
Cette association est souvent nécessaire chez les patients sous respirateur car la multiplicité des gestes entraîne souvent une angoisse ou un état douloureux. La nature et les doses employées sont fonction de chaque patient, de la pathologie causale et de la durée prévisible de la sédation.
• Sédation courte (< 24 heures)
La plupart des essais cliniques randomisés concernant des durées de sédation courtes (< 24 heures) ont comparé l’utilisation de midazolam et de propofol en association avec des analgésiques morphiniques. [38, 39] Plusieurs arguments sont en faveur du propofol qui
a été retenu comme agent de choix pour les sédations brèves dans les Recommandations pour la Pratique Clinique de l’ANAES : [4] délai d’action et demi-vie d’élimination courts, pas de métabolites actifs, qualité de sédation équivalente voire supérieure au midazolam avec un délai d’extubation possible raccourci.
Chez l’adulte, le propofol est donc recommandé, à la dose de 2 à 5 mg kg–1 h–1 quand un réveil et une extubation rapides sont prévus après l’arrêt de la sédation (situation postopératoire par exemple)
ou si une évaluation neurologique est nécessaire (traumatisé crânien).
L’association avec un analgésique n’est pas obligatoire et l’analgésie doit être privilégiée notamment dans le contexte du postopératoire. La morphine à la dose de 1 à 5 mg h–1 expose moins au risque d’accumulation que le fentanyl.
Le rémifentanil semble intéressant dans cette indication car il permet une programmation de l’arrêt de la sédation mais reste à évaluer notamment en raison de son index thérapeutique étroit et de l’hyperalgésie à l’arrêt brutal. [40]
Les doses d’analgésie ou de sédatif nécessaires sont d’une extrême variabilité selon les patients et le volume de distribution.
L’adaptation des doses (débit de perfusion) se fera donc par titration pour optimiser la sédation. Des échelles d’évaluation de la sédation et de la douleur, intégrées dans des algorithmes décisionnels utilisables aussi par le personnel paramédical, doivent permettre d’ajuster les doses au plus près des besoins.
L’arrivée de systèmes à objectif de concentration (sédation intraveineuse à objectif de concentration, SIVOC) permettant l’adaptation des débits de perfusion au site effet, en fonction des caractéristiques du produit et du patient, devrait permettre de prédire la durée de sédation. Pour le propofol, une récente étude multicentrique menée dans des services de réanimation confirme la bonne corrélation entre cibles programmées (système Diprifusor®) et concentrations mesurées. [41] Les auteurs proposent des cibles de concentration comprises entre 0,2 et 2,0 μg ml–1, à adapter par titration en fonction de chaque patient et de sa pathologie initiale.
Il est fondamental de poursuivre l’évaluation après l’arrêt de la sédation pour adapter la prescription d’antalgiques (morphiniques ou non) et envisager l’introduction d’autres thérapeutiques (neuroleptiques, anxiolytiques, etc.).
• Sédation de longue durée (> 48 heures)
Les Recommandations pour la Pratique Clinique préconisent pour la sédation de longue durée et en première intention la morphine associée au midazolam. [4] Le fentanyl est proposé en alternative à la morphine mais expose à un risque d’accumulation.
Néanmoins, les enquêtes de pratique montrent des réalités très différentes d’utilisation des agents sédatifs et/ou analgésiques. [17] Ainsi, si plus de 3/4 des patients ventilés au Royaume- Uni ou en Irlande reçoivent une sédation intraveineuse continue, ce pourcentage n’est que de 30 % en Italie. La plupart des répondants utilisent du midazolam mais 35 % d’entre eux, tous pays confondus, font appel au propofol. La combinaison midazolam-fentanyl reste la plus fréquente en France, contrairement à la Suède ou au Royaume-Uni où propofol et morphine sont les plus utilisés, voire propofol et sufentanil en Belgique, Allemagne ou Italie.
Ces disparités de pratique s’expliquent en partie par l’absence d’agent ou de combinaison idéale pour une sédation prolongée.
Le midazolam, comme toutes les benzodiazépines, est intéressant pour ses propriétés sédatives, anxiolytiques, myorelaxantes et amnésiantes mais aussi par sa demi-vie courte spécifique.Son métabolisme peut cependant être perturbé chez les sujets âgés, les patients insuffisants hépatiques ou par certains médicaments dont le métabolisme est lié au cytochrome P450. Hanaoka et al.
ont récemment proposé des doses comprises entre 0,03 et 0,06 mg kg–1 pour obtenir une sédation efficace (niveau 4 ou plus de l’échelle de Ramsay) chez des patients en période postopératoire sous ventilation mécanique, tout en minimisant les effets indésirables, en particulier hémodynamiques (réductionde la pression artérielle moyenne de moins de 20 %). [42]
De plus, la liposolubilité du midazolam entraîne une accumulation avec des retards de réveil plus fréquents qu’avec le propofol et une tachyphylaxie est possible sur de longues périodes d’utilisation.
De même, chez l’insuffisant rénal, le métabolite actif du midazolam, l’hydroxymidazolam, peut être responsable de retard de réveil. Le propofol garde ici toute sa place, pouvant servir de relais aux benzodiazépines.
Le schéma d’utilisation repose sur une administration intraveineuse continue mais certains auteurs ont démontré qu’une ou plusieurs interruptions quotidiennes pouvaient diminuer la durée totale de ventilation mécanique et l’incidence des complications de réanimation. [43, 44]
L’utilisation de propofol n’engendre par ailleurs pas d’augmentation des coûts de traitements par rapport au midazolam. [45] En comparant plusieurs stratégies de sédation (propofol 1 % ou 2 % versus midazolam), certains auteurs ont montré non seulement l’absence de surcoût lié à l’utilisation du propofol mais aussi une économie : le surcoût engendré par le prix plus élevé du propofol est en effet compensé par les économies induites (extubation plus rapide notamment). [46]
Néanmoins, quel que soit l’agent utilisé, ni les durées de séjour en réanimation, ni les ressources globales allouées ne diffèrent significativement.Compte tenu de ses propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, de l’absence de surcoût mais également des avantages liés au propofol 2 %, il est probable que le propofol prenne une place importante dans la sédation de longue durée.
Des stratégies alternatives, associant midazolam et propofol à 2 % ont été proposées, combinant les avantages des deux molécules et minimisant les effets secondaires. [46]
Utilisation de curares
En association avec des benzodiazépines et des morphinomimétiques, l’utilisation de curares doit rester une circonstance exceptionnelle.Quelques situations cliniques échappent à cette règle : le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte, l’état de mal asthmatique et l’hypertension intracrânienne. Cependant, l’indication et le maintien de cette curarisation durant plusieurs jours seront en permanence évalués sous l’angle du rapport avantages/inconvénients.
• Dans le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte, la curarisation permet d’obtenir l’adaptation au respirateur et donc d’utiliser des modes ventilatoires particuliers (rapport I/E inversé, hypercapnie permissive, ventilation à haute fréquence, épuration extracorporelle de CO2, etc.), conduisant à une amélioration de l’oxygénation tissulaire. [31, 47, 48]
• Dans l’hypertension intracrânienne, l’adaptation au respirateur permet de diminuer les pressions intrathoraciques, d’abaisser la PaCO2 et la pression intracrânienne.
Les curares actuellement utilisés en réanimation sont les curares non dépolarisants stéroïdiens comme le vécuronium (dose de charge de 0,1 mg kg–1 puis 0,02 à 0,1 mg kg–1 h–1), le pancuronium (dose de charge de 0,1 mg kg–1 puis 0,05 mg kg–1 h–1), le rocuronium (dose de charge de 0,6 mg kg–1 puis 0,3 à 0,5 mg kg–1 h–1), ou ceux de la famille des benzylisoquinolines (atracurium, cisatracurium).Tous ces produits comportent un risque d’accumulation, et donc de curarisation prolongée liée à leurs propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, d’autant plus élevé qu’ils sont administrés en continu.
L’administration en bolus itératifs doit donc être préférée. [4] Chez l’insuffisant rénal ou hépatique, les curares stéroïdiens ou leurs métabolites voient leurs effets prolongés. Parmi les troubles neuromusculaires largement décrits dans la littérature faisant suite à l’administration de curares en réanimation, il convient de distinguer ceux résultant d’une curarisation prolongée de ceux liés à une véritable polyneuromyopathie dite de réanimation. [49] Sur le plan clinique, les premiers cèdent spontanément au bout de quelques jours tandis que les seconds peuvent persister plusieurs semaines. Sur le plan électrophysiologique, une curarisation prolongée se manifeste par un décrément à la stimulation nerveuse répétée, non retrouvé chez les patients atteints de myopathie. [50]
Le monitorage continu de la curarisation en réanimation n’annihile pas les risques de curarisation prolongée et de troubles neuromusculaires.