medicalised transport,medical assistance, plastic surgery
Période postopératoire en ophtalmologie pédiatrique
Période postopératoire
Le séjour en salle de surveillance postinterventionnelle est en général bref. Les principaux problèmes sont l’agitation, les nausées et les vomissements, et la douleur.
L’extubation se fait selon la technique habituelle, une extubation précoce permettant d’éviter les quintes de toux et l’augmentation de la pression veineuse centrale et de la PIO qui en résulte. Néanmoins, les techniques chirurgicales modernes font que les augmentations transitoires de la PIO observées au moment du réveil n’ont pas de conséquences néfastes sur le résultat de l’acte chirurgical. De même, l’ablation du masque laryngé est réalisée selon la technique habituelle du service.
Pour la chirurgie avec ouverture du globe, il faut une contention douce de l’enfant pour éviter le frottement de l’oeil opéré et les tentatives d’ablation du pansement.
L’hypoxémie postanesthésique précoce est plus fréquente chez l’enfant et l’administration d’oxygène est décidée en fonction des antécédents, de la durée de l’anesthésie et de la somnolence résiduelle. L’oxygénothérapie est mieux tolérée au masque qu’avec une sonde nasale ou des lunettes.
L’agitation est favorisée par l’occlusion oculaire ; un retour précoce dans le service d’hospitalisation ainsi que le contact avec les parents permettent de calmer l’enfant. Les interventions ophtalmologiques courantes peuvent être réalisées sur le mode ambulatoire. La sortie de l’enfant obéit aux règles générales de la chirurgie ambulatoire.
Nausées et vomissements
Les nausées et les vomissements sont les complications les plus fréquentes après chirurgie ophtalmologique chez l’enfant. Après chirurgie du strabisme, les NVPO ont, selon les études, une fréquence de 40 à 90 %. [13-15]Ils surviennent plus souvent après la sortie de la salle de surveillance postinterventionnelle, le pic de fréquence se situant 2 à 8 heures après l’intervention. Plusieurs causes expliquent les NVPO après chirurgie oculaire. Les mécanismes le plus souvent retenus sont la traction sur les muscles extraoculaires, la distorsion de la vision par réalignement des axes visuels des deux yeux, la prise de boissons trop tôt après l’intervention et la stimulation des voies nerveuses labyrinthiques. Un réflexe oculoémétique a été décrit et impliquerait comme voies afférentes les mécanorécepteurs des muscles extraoculaires, le nerf trijumeau et le centre du vomissement. [16, 17] Une relation entre la survenue peropératoire du réflexe oculocardiaque (ROC) et les NVPO a été observée. Les enfants qui ont présenté un ROC peropératoire ont un risque accru de NVPO. [14] La douleur postopératoire peut favoriser les NVPO et l’analgésie postopératoire efficace a un effet préventif. [18-20]
La technique anesthésique influence la fréquence des NVPO.
Les opiacés, les anesthésiques volatils et le protoxyde d’azote s’accompagnent de NVPO plus fréquents que le propofol. [21-24]
L’effet favorable du propofol a cependant été contesté. [25, 26] La demi-vie brève du propofol explique sans doute son effet protecteur transitoire.
Par ailleurs, le propofol s’accompagne d’une fréquence plus grande de ROC, et ceci malgré l’administration d’atropine.
La prévention des NVPO fait appel à différents moyens pharmacologiques.
L’administration en prémédication d’atropine ou de glycopyrrolate est sans effet sur la fréquence des NVPO. [27] Les pays anglo-saxons et scandinaves utilisent volontiers les neuroleptiques (triméprazine par voie orale, dixyrazine par voie intraveineuse). Néanmoins, ces médicaments ne sont guère utilisés en France. Le dropéridol à la dose de 75 μg kg–1 diminue les NVPO. [10, 28] Dans certaines études, le métoclopramide à la dose de 0,25 mg kg–1 est aussi efficace que le dropéridol. [29, 30] Cependant, les effets secondaires du dropéridol et du métoclopramide sont plus fréquents chez l’enfant. La scopolamine par voie transdermique n’est guère d’utilisation courante.
Les sétrons, surtout l’ondansétron (Zophren®) et le granisétron (Kytril®) ont été testés en prévention et pour le traitement des NVPO. [12, 31-33] Les doses d’ondansétron ont varié de 0,05 à 0,25 mg kg–1. Les doses les plus faibles associées à la dexaméthasone sont aussi efficaces que les doses plus élevées. Dans une étude, le bénéfice de l’ondansétron disparaît à la vingtquatrième heure. [26]
Les données contradictoires de la littérature expliquent que la plupart des anesthésistes n’ont pas recours à une prévention pharmacologique systématique des NVPO. Le traitement préventif est réservé aux enfants ayant des antécédents de NVPO sévères et à certaines chirurgies à risque (incidence des NVPO élevée) comme la chirurgie du strabisme. Dans les autres cas, les NVPO sont traités au moment de leur survenue, par le dropéridol ou l’ondansétron ou un de ses dérivés.
Tableau 2.
Intensité de la douleur en fonction du type de chirurgie.
Pas ou peu de douleurs | Examen sous anesthésie générale Cataracte Sondage des voies lacrymales |
Douleurs d’intensité moyenne | Glaucome Strabisme Traumatismes oculaires Chirurgie vitréorétinienne endo-oculaire |
Douleurs intenses | Traitement du rétinoblastome Énucléation Cryothérapie (glaucome, décollement de la rétine) Décollement de la rétine (chirurgie ab externo) |
“ Point fort Traitement prophylactique et curatif des nausées et des vomissements postopératoires (NVPO) • Prophylaxie - dropéridol : 75 μg kg-1 à l’induction ou en cours d’intervention - ou ondansétron : de 0,10 à 0,15 mg kg-1 à l’induction ou en cours d’intervention L’atropine en prémédication ne réduit pas l’incidence des NVPO Le propofol ne diminue la fréquence des NVPO que durant les premières heures postopératoires En anesthésie ambulatoire, la prise de boissons et d’aliments ne doit pas être trop précoce Le traitement prophylactique est réservé aux enfants à haut risque de NVPO • Traitement curatif - métoclopramide : 0,15 mg kg-1 - ou de préférence dropéridol : 75 μg kg-1 ou ondansétron de 0,10 à 0,15 mg kg-1 |
Analgésie postopératoire
L’analgésie postopératoire en chirurgie ophtalmologique pédiatrique a souvent été négligée, car il est admis que ce type de chirurgie est peu douloureux. [34] Si cette croyance est vérifiée pour la chirurgie du segment antérieur, ce n’est pas le cas de la chirurgie du strabisme, de la chirurgie vitréorétinienne, de la cryothérapie et des énucléations (Tableau 2). La douleur postopératoire est liée au traumatisme chirurgical (conjonctive, sclère, capsule de Tenon), à la traction des muscles extraoculaires, à l’inflammation des structures oculaires liée aux manipulations chirurgicales, et à l’augmentation de la PIO en cas d’injection de gaz ou par blocage de l’angle iridocornéen par évacuation incomplète des substances viscoélastiques.
L’évaluation de la douleur est plus difficile chez l’enfant, surtout chez les plus jeunes, chez lesquels la communication verbale est impossible. L’utilisation d’échelles visuelles ou d’images (face pain scale) n’est pas toujours possible en raison de l’occlusion oculaire et des troubles visuels. Il faut donc utiliser des échelles objectives basées sur le comportement de l’enfant (par exemple l’objective pain score).
Les médicaments analgésiques, leurs doses et le moment d’administration sont résumés dans le Tableau 3. Pour les douleurs modérées et chez un enfant bien éveillé, le paracétamol en sirop seul ou en association avec la codéine peut être suffisant.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont souvent efficaces. En France, les suppositoires d’acide niflumique (Nifluril®) sont le plus utilisés. L’association paracétamol et AINS est possible. Les collyres corticoïdes et AINS, en limitant l’inflammation oculaire postopératoire, contribuent à diminuer la douleur postopératoire.
Lorsque la douleur est sévère, le recours aux opiacés est justifié. En salle de surveillance postinterventionnelle, le fentanyl à la dose de 1 à 2 μg kg–1 peut remplacer la morphine.
Celle-ci est administrée par voie intraveineuse ou sous-cutanée. Cette dernière voie est préférée pour des raisons de sécurité, car les services d’ophtalmologie n’ont que rarement le personnel suffisant pour surveiller l’administration intraveineuse continue de morphine. L’analgésie contrôlée par le patient est possible dès l’âge de 7 ans ; la dose de charge est de 0,025 à 0,10 mg kg–1 de morphine, le bolus est de 0,01 à 0,025 mg kg–1 avec un intervalle réfractaire de 6 à 8 minutes. La dose maximale est habituellement de 0,05 à 0,10 mg kg–1 h–1.
Dans certains cas, l’anesthésie locorégionale peut être utilisée pour l’analgésie postopératoire. La technique la plus sûre est l’injection sous-ténonienne d’anesthésiques locaux (de 1 à 2,5 ml de ropivacaïne à 0,5 ou 0,75 %) réalisée par le chirurgien à la fin de la chirurgie du segment postérieur.
Une douleur postopératoire inhabituelle doit entraîner immédiatement un examen ophtalmologique pour éliminer une complication chirurgicale ou une hypertonie oculaire. Dans ce cas, l’acétazolamide (Diamox®), en diminuant la PIO, peut soulager la douleur.
Tableau 3.
Traitement de la douleur postopératoire.
Analgésiques | Doses |
Analgésiques mineurs | |
Paracétamol | Voie orale : de 15 à 20 mg kg-1 toutes les 4 heures Voie rectale : de 30 à 40 mg kg-1 toutes les 4 heures |
Paracétamol + codéine (Codenfan®) | Voie orale : sirop de paracétamol (Efferalgan® 3 %) et de codéine 1 mg ml-1 (Codenfan®) 15 mg kg-1 de paracétamol et de 0,5 à 0,75 mg kg-1 de codéine toutes les 6 heures |
Anti-inflammatoires non stéroïdiens | |
Ibuprofène (Advil®, Brufen®) | Réservé à l’enfant de plus de 12 ans (peu utilisé en France) Voie orale : de 8 à 10mg kg-1 toutes les 6 heures |
Acide niflumique (Nifluril®) | Suppositoires : - 200 mg toutes les 12 heures pour les nourrissons de 6 à 30 mois - 400 mg toutes les 12 heures pour les enfants de 30 mois à 12 ans |
Diclofénac (Flector®, Voltarène®) | Réservé à l’enfant de plus de 4 ans Voie orale ou rectale : de 1 à 1,5 mg kg-1 toutes les 12 heures |
Kétoprofène (Profénid®) | Voie intraveineuse : 1 mg kg-1 toutes les 8 à 12 heures pendant 48 heures |
Opiacés | |
Fentanyl | Voie intraveineuse : de 1 à 2 μg kg-1 ; exclusivement en salle de réveil |
Morphine | Voie intraveineuse : - bolus : de 25 à 75 μg kg-1 toutes les 3 à 4 heures - perfusion continue : de 0,02 à 0,03 mg kg-1 h-1 Analgésie contrôlée par le patient chez l’enfant de plus de 6 ans : - dose du bolus : de 10 à 25 μg kg-1 - période d’interdiction : de 6 à 8 minutes - dose maximale : de 0,05 à 0,10 mg kg-1 h-1 |