medicalised transport,medical assistance, plastic surgery
Principales interventions en ophtalmologie pédiatrique
Strabismes
Le terme de strabisme regroupe plusieurs entités aux processus pathogéniques complexes et souvent intriqués. Le strabisme correspond à un désordre oculomoteur comportant une composante motrice (la déviation d’un oeil) et une composante sensorielle (le dérèglement de la vision binoculaire). La maturation de la vision binoculaire s’étend de l’âge de 3 à 12 mois et toute déviation strabique survenant durant cette période critique entraîne une immaturité du système binoculaire, avec des conséquences sensorielles et motrices. [35] Les strabismes nécessitent donc une détection précoce et un diagnostic précis grâce à un bilan ophtalmologique spécialisé. Les traitements comportent différentes composantes, dont la correction des anomalies de la réfraction, le port de prismes, de verres progressifs ou à double foyer et enfin la chirurgie, qui n’est envisagée que si les traitements précédents ne sont pas suffisants. La toxine botulique A est en cours d’évaluation dans le traitement de certains strabismes. L’injection intramusculaire de la toxine nécessite une anesthésie générale chez le nourrisson et le jeune enfant.
Les strabismes convergents, ou ésotropies, sont le type de déviation le plus fréquent puisqu’ils représentent plus de 50 % des strabismes de l’enfant. L’ésotropie précoce est une forme de strabisme qui apparaît avant l’âge de 6 mois. Dans cette forme, certains ophtalmologistes procèdent à une correction chirurgicale entre 6 et 12 mois. En France, la chirurgie est souvent repoussée au-delà de 1 an. La procédure chirurgicale consiste le plus souvent à reculer les deux droits médians, voire à y associer une myopexie postérieure ou faden-operation de Cuppers. Les ésotropies accomodatives sont des strabismes qui apparaissent surtout entre 12 mois et 3 ans, alors que l’enfant sollicite de plus en plus la vision rapprochée. Le traitement chirurgical, lorsqu’il est nécessaire, comporte la myopexie postérieure, associée ou non à un recul des droits médians.
Les strabismes divergents, ou exotropies, sont plus rares et d’installation plus tardive que les ésodéviations. Le strabisme divergent intermittent est le plus fréquent des strabismes divergents de l’enfant. Il est en général remarqué par les parents vers l’âge de 1 ou 2 ans. Le traitement chirurgical, s’il est nécessaire, est plus tardif que dans les ésodéviations. La procédure comporte généralement un recul des droits latéraux.
Néanmoins, les protocoles varient en fonction du caractère unilatéral ou bilatéral de la déviation, selon l’angle de la déviation, évaluée à la fois chez le patient éveillé et sous anesthésie générale, et selon le résultat des tests d’élongation musculaire réalisés en peropératoire.
L’anesthésie générale pour strabisme est caractérisée par la fréquence de survenue du ROC et par celle des NVPO. Le seul problème discuté par certains médecins anesthésistes est celui de l’utilisation des anesthésiques halogénés en raison du risque potentiel d’hyperthermie maligne. Certains sujets susceptibles à l’hyperthermie maligne ont des anomalies musculaires localisées et le strabisme pourrait en faire partie. La discussion a encore été compliquée par l’observation d’une augmentation de la fréquence du spasme des masséters chez les enfants opérés de strabisme et ayant reçu de la succinylcholine. [36, 37] Néanmoins, aucune étude épidémiologique n’a confirmé le risque accru d’une sensibilité à l’hyperthermie maligne chez les enfants atteints de strabisme. [38] L’utilisation des anesthésiques halogénés n’est donc pas contre-indiquée pour ce type de chirurgie. En revanche, la fréquence des nausées et des vomissements après correction du strabisme peut être une raison légitime de préférer le propofol aux anesthésiques volatils. La plupart des ophtalmologistes préfèrent que l’enfant soit curarisé pour permettre de réaliser le test de duction forcée (test d’élongation musculaire) dans des conditions stables et standardisées. Étant donné les controverses entourant la succinylcholine, il est préférable de l’éviter et d’utiliser un curare non dépolarisant.
Le ROC est fréquent au cours de la chirurgie du strabisme car la traction exercée sur les muscles extraoculaires en est un stimulus déclenchant puissant. [1] Il est plus fréquent avec le propofol. La bradycardie sinusale est la manifestation la plus courante du ROC. Les autres troubles du rythme cardiaque sont plus rares, extrasystoles ventriculaires, rythme jonctionnel, rythme idioventriculaire, tachycardie ventriculaire et asystole.
Récemment, aucun arrêt cardiaque prolongé secondaire au ROC n’a été rapporté chez l’enfant, l’échappement vagal assurant la restauration du rythme cardiaque.
L’atropine ou le glycopyrrolate administrés aux doses de la prémédication ne préviennent pas efficacement le ROC. [39] La prévention la plus efficace est obtenue par l’injection intraveineuse d’atropine, à la dose de 15 à 20 μg kg–1, immédiatement avant la stimulation chirurgicale. Néanmoins, le ROC étant le plus souvent bénin, l’injection prophylactique d’atropine n’est pas conseillée de façon habituelle. Lorsque la bradycardie persiste, elle est traitée par l’injection intraveineuse d’atropine.
La lidocaïne à la dose de 1 mg kg–1, en application topique sur les muscles extraoculaires, diminue l’incidence du ROC. [40] Les blocs rétrobulbaire et péribulbaire ont aussi une action préventive du ROC, mais ces techniques ne sont pas conseillées pour la chirurgie du strabisme de l’enfant.
L’application d’adrénaline sur la conjonctive, en induisant une vasoconstriction, diminue le saignement au site opératoire.
L’adrénaline est rapidement réabsorbée, et il faut utiliser des solutions diluées (de 0,1 ou 0,01 %). La dose maximale d’adrénaline recommandée est de 500 μg, soit 10 gouttes d’une solution à 0,1 % (1/1 000).
Certains chirurgiens, peu nombreux en pratique, utilisent la technique des sutures ajustables pour permettre une correction optimale du défaut d’alignement des deux yeux. Pour cela, l’enfant est réveillé et les fils sont serrés lorsque l’enfant est capable de fixer le regard. Cette technique nécessite la coopération du patient et n’est possible que chez l’enfant ayant au moins 10 ans. L’anesthésie topique avec la tétracaïne à 1 % facilite la technique.
Voies lacrymales
Le larmoiement chez le nourrisson ou le jeune enfant est un motif fréquent de consultation en ophtalmologie. Celui-ci est lié le plus souvent à une imperméabilité lacrymonasale qui est l’atteinte la plus fréquente des voies excrétrices lacrymales.
L’évolution spontanée vers la guérison est fréquente au cours de la première année de vie, ce qui explique la controverse qui entoure la meilleure attitude thérapeutique. En Europe, l’attitude le plus souvent adoptée est résumée dans le Tableau 4. [41, 42]
L’imperméabilité lacrymonasale simple est due à une imperforation de la valve de Hasner. Dans ce cas, le sondage à l’aide d’une sonde à voies lacrymales fait le diagnostic et il est en même temps curatif. La sonde permet de franchir le diaphragme élastique qui obture l’orifice de la valve. Ce sondage s’effectue chez le nourrisson sans anesthésie.
La distension du sac lacrymal du nouveau-né (mucocèle congénitale du sac) se caractérise par une tuméfaction lacrymale qui se situe sous le tendon du canthus interne. Sa survenue est souvent très précoce, souvent constatée dès la naissance. La mucocèle lacrymale peut se compliquer de dacryocystite aiguë et dans certains cas il peut être nécessaire de réaliser un sondage des voies lacrymales dans les 3 premiers mois de vie.
Lorsque le sondage des voies lacrymales se fait sous anesthésie générale, et si le chirurgien a la certitude que l’acte se limite à un simple cathétérisme (durée de quelques minutes), l’anesthésie est réalisée au masque facial par inhalation de sévoflurane.
Ce n’est que si la mise en place d’une sonde mono- ou bicanalaire est nécessaire qu’un contrôle des voies aériennes est indiqué. Celui-ci se fait soit par la mise en place d’un masque laryngé, soit par une intubation endotrachéale. Un packing pharyngé peut être indiqué en raison des lavages et rinçages des voies lacrymales et du risque de saignement nasal. Le packing doit être clairement identifié pour ne pas oublier son ablation à la fin de l’intervention. Le cathétérisme des voies lacrymales peut favoriser une bactériémie. [43] Néanmoins, en l’absence de facteurs de risque d’endocardite, l’antiobioprophylaxie n’est pas recommandée.
Lorsque la dacryocystorhinostomie est nécessaire, l’âge optimal est de 4 à 5 ans. La technique chirurgicale par abord externe de la pyramide nasale est la technique standard. En effet, à cet âge, la face est déjà bien développée et la cicatrice est esthétiquement acceptable. La technique chirurgicale est identique à celle de l’adulte. La vasoconstriction de la muqueuse nasale par des tampons adrénalinés placés dans la narine diminue le saignement. La position proclive permet de diminuer le saignement, de même que le contrôle peropératoire de la pression artérielle. La dacryo-cysto-rhinostomie par voie externe tend à être remplacée par la dacryo-cysto-rhinostomie par voie endoscopique endonasale, qui a l’avantage d’éviter une incision cutanée. [42]
Les traumatismes des voies lacrymales sont assez fréquents chez l’enfant. Ils sont envisagés avec les traumatismes oculaires (cf. infra).
Cataracte
Les cataractes sont responsables de 5 à 20 % des cas de cécité chez l’enfant dans les pays développés. Près des deux tiers des cataractes infantiles sont bilatérales ; la moitié de ces cas sont détectés durant le premier mois de vie, mais 22 % ne sont détectés qu’au cours de la deuxième année de vie, voire plus tard. [44] Les cataractes de l’enfant sont fréquemment classées en fonction de leur morphologie. On distingue ainsi les cataractes zonulaires (nucléaires, lamellaires), polaires (antérieures, postérieures), avec lenticonus (antérieur, postérieur) ou membraneuses.
La cataracte peut être héréditaire ou sporadique, et elle peut être associée à d’autres anomalies oculaires ou générales. Dans près d’un tiers des cas, la cataracte a une origine génétique. De 8 à 25 % des cataractes congénitales isolées sont familiales et la transmission est le plus souvent autosomique dominante. .
Une étude danoise récente a précisé les causes de cataracte chez l’enfant dans les pays occidentaux. [45] Les cataractes infantiles et congénitales sont idiopathiques dans 63 % des cas et génétiques dans 29 % des cas ; près de deux tiers des cas sont bilatéraux. Certaines causes ont pratiquement disparu, comme la rubéole maternelle.
La prise en charge de la cataracte chez l’enfant diffère de celle chez l’adulte. La cataracte de l’enfant se caractérise par une fréquence élevée d’opacification de la capsule postérieure et par la propension à développer des membranes secondaires, ce qui nécessite une technique particulière.
Lorsque la cataracte infantile est diagnostiquée à la naissance ou dans les premières semaines de vie, il est conseillé de réaliser une intervention au cours du deuxième mois, et de préférence avant la sixième semaine. En effet, au-delà de la sixième semaine, le système visuel est développé et l’absence des stimuli visuels compromet le développement des voies nerveuses visuelles centrales. À l’inverse, une intervention trop précoce (avant la deuxième semaine) pour les cataractes bilatérales augmente le risque de glaucome secondaire.
Glaucome
Le glaucome se caractérise par une élévation permanente de la PIO qui conduit à une diminution du débit sanguin capillaire du nerf optique et qui aboutit à terme à une perte de fonction visuelle. Le terme glaucome congénital implique que l’atteinte est présente dès la naissance, ce qui est la réalité pathologique dans la plupart des cas. Le terme de glaucome primaire ou secondaire se réfère au fait que la cause du glaucome est due à une anomalie isolée de l’angle iridocornéen (dysgénésie trabéculaire) ou qu’elle est associée à d’autres anomalies oculaires ou systémiques. [46] Le glaucome est dit infantile lorsqu’il est diagnostiqué avant l’âge de 3 ans et juvénile au-delà de cet âge.
Le glaucome juvénile est le plus souvent secondaire. Environ 50 % des glaucomes infantiles sont primaires. Le glaucome peut toucher un seul ou les deux yeux. Avant l’âge de 3 ans, le glaucome est bilatéral dans 90 % des cas. La transmission héréditaire du glaucome congénital est multifactorielle et ne suit pas les lois mendéliennes classiques.
Le succès du traitement du glaucome infantile dépend en partie de son diagnostic précoce. Celui-ci, chez le nourrisson et le jeune enfant, doit se faire sous anesthésie générale. Si nécessaire, une intervention est réalisée dans le même temps.
L’examen ophtalmologique est répété à intervalles réguliers. Il comporte la mesure du diamètre de la cornée et de la PIO, l’étude de l’aspect de la macula et sa déformation en cupule, et la gonioscopie qui évalue l’angle iridocornéen.
Dans le glaucome infantile, lorsque la PIO est très élevée, l’anesthésie peut la diminuer de près de 15 mmHg, et l’interprétation des valeurs mesurées doit en tenir compte. Les anesthésiques volatils, qui diminuent la PIO de façon dosedépendante, doivent être utilisés à leur concentration minimale pour interférer le moins possible avec la mesure de la PIO.
L’utilisation du masque laryngé est dans ce cas utile car l’augmentation de la PIO est moindre qu’avec l’intubation endotrachéale. Le traitement médical est moins souvent suffisant que chez l’adulte.
Les interventions comportent les techniques de filtration (goniochirurgie, trabéculotomie, trabéculectomie, implant avec shunt externe). Il s’agit d’une chirurgie très spécialisée et qui est réservée à quelques centres. Plusieurs interventions et des examens répétés sous anesthésie générale sont souvent nécessaires. Une technique anesthésique standard est utilisée. L’administration d’atropine, si elle est nécessaire, n’est pas formellement contre-indiquée. L’antagonisation des curares non dépolarisants par l’association atropine et néostigmine est possible, car ces médicaments ont un effet limité sur le diamètre pupillaire et la PIO.
Rétinoblastome
Le rétinoblastome est la tumeur maligne oculaire la plus fréquente chez le nourrisson et l’enfant. Il est habituellement diagnostiqué dans les 3 premières années de vie, l’âge médian au moment du diagnostic étant de 1 an pour les formes bilatérales et de 2 ans pour les formes unilatérales. [47-49]
L’examen ophtalmologique sous anesthésie générale est indispensable dès que le diagnostic est évoqué. Le fond d’oeil est souvent complété par une échographie oculaire et un scanner. L’IRM est réalisée lorsqu’un envahissement du nerf optique est suspecté.
La génétique et la biologie moléculaire du rétinoblastome sont bien connues. [47] Le gène du rétinoblastome (RB), qui est localisé sur le bras long du chromosome 13 (13q14), produit une protéine Rb qui régule la croissance cellulaire. C’est un gène antioncogène qui a un effet suppresseur sur la croissance tumorale. Un seul gène normal est nécessaire pour bloquer la formation de la tumeur. Le développement du rétinoblastome nécessite donc une atteinte des deux allèles du gène. Dans le rétinoblastome, qu’il soit héréditaire ou non, le gène a subi une mutation ou une délétion. La survenue du rétinoblastome peut être sporadique ou héréditaire.
Dans le rétinoblastome sporadique, une mutation sporadique d’une seule cellule rétinienne entraîne le développement de la tumeur.
Ces mutations peuvent être unifocales (unilatérales), et la plupart des rétinoblastomes sont unilatéraux (de 60 à 70 %). Dans le rétinoblastome héréditaire, la mutation touche les cellules germinales et la prédisposition au développement de la tumeur est transmise par un des deux parents. Le rétinoblastome héréditaire est bilatéral (multifocal). De plus, l’absence de la protéine Rb dans les autres cellules de l’organisme prédispose le sujet au développement de tumeurs extraoculaires au cours de la vie.
Il s’agit surtout de sarcomes osseux dans les zones irradiées ou non. Dans certains cas, le rétinoblastome est associé à une tumeur de la glande pinéale (pinéalome).
Le rétinoblastome peut cheminer le long du nerf optique vers le cerveau et entraîner des métastases dans les os, le poumon et les ganglions lymphatiques.
Les enfants ayant un antécédent familial de rétinoblastome doivent être examinés sous anesthésie générale tous les mois pendant 18 mois, puis tous les 2 mois jusqu’à l’âge de 5 ans. Un test génétique de dépistage est en cours d’évaluation.
Traitement
Le rétinoblastome est traité par une équipe pluridisciplinaire dans un centre spécialisé.
Le traitement prend en compte la taille (diamètre, épaisseur) et l’extension de la tumeur (envahissement sous-rétinien ou vitréen).
La stratégie thérapeutique se base sur la classification de Reese-Ellsworth qui distingue cinq stades. [47]
Les options thérapeutiques incluent la cryothérapie, la photocoagulation, la chimiothérapie et l’irradiation selon différentes modalités (irradiation par disque fixé sur la sclère, irradiation par voie externe). [48, 49] Le dépistage précoce de la tumeur permet un traitement local conservateur, ce qui évite l’énucléation ou la radiothérapie externe.Cette dernière est réservée aux rétinoblastomes étendus et aux récidives après traitement local et chimiothérapie (groupe V de Reese- Ellsworth).
L’irradiation a de nombreux effets secondaires : défaut de croissance du massif facial (hypoplasie orbitaire avec asymétrie faciale, dépression temporale bilatérale si irradiation bilatérale), séquelles endocriniennes (défaut de sécrétion de l’hormone de croissance), augmentation du risque de sarcome secondaire dans le champ d’irradiation, séquelles oculaires (sécheresse oculaire, cataracte). La chimiothérapie de réduction ou néoadjuvante est utilisée dans les formes intraoculaires comme traitement d’attaque. Il s’agit d’un traitement majeur qui associe le carboplatine, l’étoposide et la vincristine ; chaque cycle est administré sur 21 à 28 jours, et plusieurs cycles (de deux à six en moyenne) sont nécessaires. La chimiothérapie n’est pas curative à elle seule et elle nécessite un traitement local associé, ou une irradiation externe dans les formes les plus étendues.
Les traitements locaux sont la cryothérapie, la photocoagulation (photocoagulateur au xénon), la curiethérapie et la thermochimiothérapie.
La curiethérapie utilise des disques d’iode 125 (rayonnement gamma de faible énergie). La mise en place du disque est réalisée au bloc opératoire sous anesthésie générale.
L’irradiation nécessite le respect des moyens de protection. La thermochimiothérapie comporte la perfusion d’antimitotiques, suivie dans les 2 heures par un traitement de la tumeur par le laser diode qui, en entraînant une hyperthermie dans la tumeur, renforce l’action des antimitotiques. Le traitement laser est réalisé au bloc opératoire sous anesthésie générale et par l’intermédiaire du microscope opératoire. La tumeur est traitée au laser en continu pendant 10 à 20 minutes.
Malgré l’amélioration de la détection du rétinoblastome, de nombreux cas nécessitent encore l’énucléation. Celle-ci doit utiliser une technique adaptée qui permet la mise en place d’une prothèse mobile.
Les enfants atteints de rétinoblastome nécessitent des anesthésies générales répétées. Dans les cas habituels, il s’agit d’une anesthésie tous les 6 mois jusqu’à l’âge de 6 à 7 ans, mais parfois plus longtemps. La technique d’anesthésie générale n’a pas de spécificité. Il est conseillé d’éviter la kétamine, dont les mouvements oculaires gênent le traitement local.
Traumatismes oculaires
Les traumatismes oculaires sont fréquents chez l’enfant, avec une nette prédominance des garçons. Les activités de sport, de loisirs et de jeux sont le plus souvent en cause. Les traumatismes oculaires représentent une cause majeure de cécité monoculaire non congénitale chez l’enfant. Ces traumatismes peuvent être de traitement difficile et le risque d’amblyopie est élevé, surtout chez l’enfant avant l’âge de 7 ans. Il faut signaler le cas particulier des sévices et du syndrome des enfants secoués qui peuvent s’accompagner de lésions oculaires, notamment d’hémorragies rétiniennes.
Les traumatismes oculaires peuvent être pénétrants ou non.
Les plaies pénétrantes peuvent comporter la présence d’un corps étranger intraoculaire ou intraorbitaire. En fonction de la cause du traumatisme, il faut suspecter une lésion osseuse (fracture de l’orbite, fracture du crâne) ou intracrânienne associée. Le type de traumatisme et sa localisation peuvent à eux seuls faire suspecter une lésion des voies lacrymales.
L’examen de l’oeil est difficile chez le jeune enfant et le plus souvent le bilan lésionnel nécessite l’anesthésie générale.
L’administration d’un analgésique et d’un sédatif peut réduire le frottement de l’oeil qui aggrave les lésions, surtout en cas d’ouverture du globe oculaire. Selon les circonstances, l’exploration chirurgicale peut être précédée d’une radiographie du crâne ou d’une tomodensitométrie cérébrale, voire d’un examen en imagerie par résonance magnétique (sauf en cas de corps étranger métallique).
Les plaies des voies lacrymales sont de causes diverses, mais les morsures de chien dominent. Le siège le plus fréquent de ces plaies est le canalicule inférieur. Il peut s’agir d’un arrachement de la paupière inférieure ou d’une plaie directe par les incisives et les canines du chien. Si une plaie de l’oeil associée peut être éliminée, il est préférable que la réparation des voies lacrymales soit faite par un chirurgien expérimenté, ce qui veut dire que l’intervention peut se faire de 24 à 48 heures après le traumatisme. La réparation comporte la suture du canalicule, associée à l’intubation par sonde mono- ou bicanaliculonasale, et la réfection palpébrale.
Les morsures de chiens et de chats s’accompagnent souvent d’une surinfection de la plaie par des germes aérobies et anaérobies. [50] Le risque de surinfection est plus grand pour les morsures de chat. Le germe le plus fréquent est Pasteurella multocida. Les autres germes sont Staphylococcus aureus, Afipia felis, Rochalimea henselea. L’antibioprophylaxie est conseillée pour les morsures de chat, mais elle est controversée pour les morsures de chien lorsque l’examen est fait avant la douzième heure. Les antiobiotiques conseillés sont l’amoxicilline associée à l’acide clavulanique et les cyclines.
Les fractures du plancher de l’orbite par blow out (choc direct entraînant une rupture de la paroi inférieure de l’orbite) sont plus rares que chez l’adulte, et ceci en raison de la relative souplesse des structures osseuses. Dans les fractures en trappe, le plancher de l’orbite qui est fracturé se remet spontanément en place, mais en piégeant les structures anatomiques herniées : muscle droit inférieur, mais aussi muscle petit oblique et graisse orbitaire. L’ischémie des structures engagées dans la fracture est rapide et cette fracture nécessite une intervention dans les 48 heures. L’uvéite sympathique est une complication exceptionnelle des traumatismes oculaires.Il s’agirait d’une réaction autoimmune aux pigments de l’uvée entraînant une réaction inflammatoire qui peut compromettre la vision.L’atteinte de l’oeil adelphe est possible.
La nécessité de l’énucléation de l’oeil lésé est devenue une situation exceptionnelle en raison du traitement par antibiotique et corticoïdes.
Anesthésie
Lorsque la plaie oculaire est ouverte, la PIO s’équilibre avec la pression atmosphérique. Toute pression externe sur le globe ou l’augmentation du volume du contenu intraoculaire peut entraîner une extrusion du contenu oculaire par l’ouverture oculaire. Ceci peut se marquer par un prolapsus de l’iris, du cristallin, voire du vitré. L’objectif de l’anesthésie est d’éviter toute aggravation des lésions en évitant l’augmentation de la PIO et en calmant l’enfant, dont les cris et les mouvements de frottement augmentent la PIO, notamment par l’intermédiaire de l’augmentation de la pression veineuse. L’occlusion des deux yeux en préopératoire immédiat peut limiter les mouvements oculaires. L’administration d’une benzodiazépine et, en cas de douleurs, d’un AINS, voire d’un opiacé, est conseillée. L’association d’un antiémétique à l’opiacé diminue le risque de nausées et de vomissements.
L’heure du traumatisme et l’heure du dernier repas permettent d’évaluer les risques d’estomac plein. La mise en place d’une sonde gastrique est à éviter car elle risque d’être difficile et d’augmenter la PIO. Une forme effervescente d’un anti-H2 (cimétidine, ranitidine) peut être administrée, sinon ce médicament peut être administré par voie intraveineuse. Le métoclopramide par voie intraveineuse peut permettre d’accélérer la vidange gastrique.
L’anesthésie de l’enfant à estomac plein doit suivre les règles habituelles. La discussion porte sur l’usage de la succinylcholine qui, par l’augmentation de la PIO qu’elle entraîne, peut aggraver les lésions en cas de globe ouvert. Dans un modèle de traumatisme oculaire chez le chat, l’injection de succinylcholine n’a eu qu’un effet limité sur le contenu oculaire, avec essentiellement un déplacement antérieur du cristallin et de l’iris. [51] L’expérience clinique est la même et la succinylcholine n’a pas aggravé les lésions oculaires dans les cas où son utilisation était indispensable.
L’application du masque lors de l’induction doit éviter de comprimer le globe lésé. Si c’est possible, l’induction par voie intraveineuse par le propofol est conseillée, en utilisant les moyens qui diminuent les douleurs à l’injection. Néanmoins, si la ponction veineuse est difficile, plutôt que de prolonger les tentatives infructueuses il est conseillé de réaliser une induction au masque avec l’halothane ou le sévoflurane. L’intubation peut se faire avec un curare non dépolarisant, vécuronium ou atracurium à une dose égale à deux fois la dose ED95. L’intubation est possible en un peu plus de 60 secondes, ce qui estacceptable dans la plupart des cas. Après l’induction, une sonde gastrique peut éventuellement être mise en place pour vidanger l’estomac. Au réveil, l’enfant est extubé selon la technique habituelle, tête en bas et sur le côté.
Kératoplastie et chirurgie réfractive
La kératoplastie est une intervention qui comporte des difficultés techniques chez l’enfant. La cornée est petite, fine, atone, et la sclère n’est pas rigide. L’oeil est soumis en permanence au risque de traumatisme et au frottement. Pour prévenir l’amblyopie, la kératoplastie doit être effectuée tôt, entre la cinquième semaine et le troisième mois. Il faut choisir un greffon ayant une riche réserve endothéliale, et le délai qui sépare le décès et la mise en conservation doit être le plus bref possible. L’examen préanesthésique doit détecter des anomalies congénitales associées, comme par exemple des anomalies cardiaques dans le syndrome de Peters. Durant l’intervention, le nourrisson est placé en proclive. Un examen sous anesthésie générale est nécessaire vers la deuxième puis la cinquième semaine postopératoire.
La chirurgie réfractive est en cours d’évaluation chez l’enfant.
Les principales techniques sont la kératectomie photoréfractive, le laser in situ keratomileusis (LASIK) et le laser epithelial keratomileusis (LASEK). D’abord réservée aux enfants les plus grands, elle est actuellement appliquée à des enfants plus jeunes, dès 5 ans pour le LASIK. Ce dernier est utilisé pour traiter les myopies fortes avec amblyopie réfractaire aux traitements conventionnels. Chez l’adulte, la chirurgie réfractive est réalisée sous anesthésie topique sans intervention du médecin anesthésiste.
L’anesthésie topique n’est possible que chez les enfants de plus de 7 à 8 ans. Chez les enfants plus jeunes, il faut une anesthésie générale, ce qui pose le problème du plateau technique, les appareils de chirurgie réfractive étant habituellement situés en dehors du bloc opératoire.
Rétinopathie des prématurés
Environ 45 % des nouveau-nés prématurés de moins de 1 000 g développent des modifications rétiniennes aiguës appelées rétinopathie des prématurés (ROP). Ces lésions régressent spontanément chez 80 à 90 % d’entre eux, et les autres 10 à 20 % développent des lésions rétiniennes secondaires qui peuvent aboutir à la cécité. [52, 53]
La ROP se développe progressivement après la naissance, les lésions les plus précoces étant observées vers la sixième ou huitième semaine après la naissance.
L’évolution clinique de l’atteinte oculaire comporte un stade aigu et un stade chronique (stade cicatriciel). La ROP est classée en stades selon l’International Classification of Retinopathy of Prematurity (ICROP). Cette classification inclut trois composantes de la ROP, à savoir la zone dans laquelle sont observées les lésions (la zone I est la région postérieure de la rétine qui inclut la fovea), la sévérité des lésions (stades 1, 2 et 3 selon l’aspect de la ligne qui délimite la zone avasculaire et la zone vascularisée) et la présence ou non de modifications vasculaires (vaisseaux rétiniens dilatés et tortueux au pôle postérieur) qui sont les témoins de la maladie (disease plus ou état + ). Les auteurs nordaméricains définissent un seuil dans la sévérité des lésions rétiniennes (treshold retinopathy of prematurity) dont le diagnostic repose sur les éléments de la classification ICROP et qui, lorsqu’il est atteint, justifie une intervention thérapeutique.
La rétinopathie des prématurés nécessite des examens ophtalmologiques répétés, d’abord pour le diagnostic, ensuite pour le suivi et le traitement. L’anesthésie topique est parfois suffisante, mais l’administration de sédatifs ou d’anesthésiques améliore la tolérance cardiovasculaire des examens. [54]
Les enfants ventilés pour une bronchopneumodysplasie peuvent recevoir une sédation par fentanyl et éventuellement être curarisés. Les enfants en ventilation spontanée sont anesthésiés par inhalation d’un anesthésique volatil, sévoflurane le plus souvent. La saturation en oxygène est ajustée pour maintenir la pression partielle en oxygène dans le sang artériel (PaO2) entre 60 et 80 mmHg.
La ROP est une affection liée à une altération du développement et de la maturation des vaisseaux rétiniens. Dans la ROP, les vaisseaux rétiniens ne se développent pas dans les zones périphériques de la rétine, c’est-à-dire à l’ora serrata. Dans la plupart des cas, ce défaut de croissance est transitoire et la vascularisation de la rétine se complète progressivement. La ligne de démarcation entre la rétine normalement vascularisée et la zone avasculaire peut être le siège d’une néovascularisation dont la cicatrice peut entraîner un décollement rétinien partiel ou total. Après la naissance, la PaO2, qui était supérieure ou égale à 30 mmHg in utero, augmente brusquement à 80 mmHg ou plus. Cette variation de la PaO2 n’a pas de conséquence chez le nouveau-né à terme dont la vascularisation rétinienne est normalement développée. En revanche, chez le prématuré, les vaisseaux rétiniens ne sont pas totalement développés et, lorsqu’ils sont exposés à une concentration en oxygène supérieure à la concentration in utero, ils subissent une oblitération hyperoxique.
Plusieurs études multicentriques ont permis de préciser le diagnostic, l’évolution et le traitement de la ROP. Les recommandations américaines stipulent que la ROP doit être recherchée chez tout prématuré de moins de 1 500 g ou de 28 semaines d’âge gestationnel. Les études les plus récentes ont montré que le premier examen ophtalmologique devait se faire à 4 semaines d’âge chronologique (si l’âge gestationnel est de 27 semaines ou plus) ou à 31 semaines d’âge postconceptionnel (si l’âge gestationnel est inférieur à 27 semaines). Lorsque cet examen met en évidence des signes évocateurs (stade préclinique de la maladie ou pretreshold disease), les enfants doivent être examinés toutes les semaines, les autres enfants étant examinés toutes les 2 semaines.
La décision de traiter la ROP est basée sur le stade et l’extension des lésions. Lorsque le seuil lésionnel est atteint, il est conseillé de traiter les lésions rétiniennes (ablation de la rétine avasculaire périphérique). Malgré le traitement, et en raison de facteurs associés, seulement 20 % des yeux ont ultérieurement une acuité visuelle de 20/40. De plus, chez ces anciens prématurés, les troubles visuels séquellaires sont souvent associés à un retard psychomoteur.
“ Points essentiels • La chirurgie du strabisme, des voies lacrymales, et la plupart des traumatismes oculaires peuvent être pris en charge dans un service d’ophtalmologie adulte qui comporte une organisation adaptée pour accueillir des enfants. Certaines maladies oculaires sont peu fréquentes chez l’enfant et le maintien d’équipes performantes nécessite le regroupement des activités dans des unités très spécialisées. • Chez 5 à 10 % des enfants, l’atteinte oculaire fait partie d’une maladie congénitale qui peut être associée à une intubation difficile. • L’anesthésie n’a pas de spécificité. L’induction anesthésique est réalisée par inhalation ou par voie intraveineuse. • Le contrôle des voies aériennes se fait le plus souvent par l’intubation trachéale, de préférence avec une sonde précoudée. Le masque laryngé peut être utilisé. • En période postopératoire, la reprise précoce de l’alimentation orale est le plus souvent possible. • Les nausées et les vomissements sont fréquents en chirurgie ophtalmologique, surtout au cours de la chirurgie du strabisme et de la chirurgie vitréorétinienne. Le traitement préventif et curatif est réalisé par le dropéridol, ou par l’ondansétron ou un de ses dérivés. • La douleur postopératoire doit être évaluée par une méthode adaptée à l’âge de l’enfant. Souvent sous-estimée, elle doit être traitée selon les protocoles habituels en chirurgie pédiatrique. • Dans le strabisme, le risque d’hyperthermie maligne n’est pas augmenté et l’utilisation du sévoflurane n’est pas formellement contre-indiquée. • Cataracte, glaucome et rétinoblastome sont des atteintes complexes qui nécessitent une prise en charge spécialisée. • Les traumatismes oculaires sont fréquents. Il est préférable d’éviter la succinylcholine en raison de l’augmentation de la PIO qu’elle entraîne. Néanmoins, son utilisation est possible en cas d’estomac plein. |
Conclusion
Les interventions les plus fréquentes sont prises en charge dans les services d’ophtalmologie d’adultes et chaque médecin anesthésiste doit avoir les compétences pour leur anesthésie. À l’inverse, certaines affections oculaires sont plus rares et nécessitent des services spécialisés à vocation régionale. L’anesthésie pour chirurgie ophtalmologique pédiatrique n’a pas beaucoup de spécificités et les règles générales sont applicables tant en préopératoire qu’en peropératoire. La chirurgie ophtalmologique permet une reprise précoce de l’alimentation orale, le seul facteur limitant étant la survenue de nausées et de vomissements postopératoires qui sont surtout fréquents après la chirurgie du strabisme et la chirurgie vitréorétinienne.