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10 décembre 2010 5 10 /12 /décembre /2010 09:01

 

YOUSRA G 2

Pharmacologie des anesthésiques locaux

 

 

 

Jean-Jacques Eledjam : Professeur des Universités, chef de département

Eric Viel : Praticien hospitalier, anesthésiologiste des Hôpitaux

Pascal Bruelle : Praticien hospitalier, anesthésiologiste des Hôpitaux

Jean-Emmanuel de La Coussaye : Professeur des Universités, chef de département

Fédération des départements d'anesthésie-réanimation et de l'urgence. Centre hospitalier universitaire, 5, rue Hoche, BP 26, 30029 Nîmes cedex. Faculté de médecine de Montpellier- Nîmes France

Résumé

Les anesthésiques locaux (AL) sont des substances qui, placées à concentration appropriée au contact d'une structure nerveuse ou musculaire, bloquent de façon temporaire et réversible la propagation des potentiels d'action membranaires. De nombreux agents, amines tertiaires, alcools, toxines..., sont susceptibles de générer un effet anesthésique local. En pratique clinique, les AL utilisés appartiennent à la catégorie des aminoamides ou à celle des aminoesters. Extraite des feuilles d'erythroxylon coca par Scherzer en 1850, puis synthétisée en 1860 par Niemann, la cocaïne est le premier AL découvert. Elle est utilisée pour la première fois chez l'homme par S Freud et Koller en 1884, relayés par Bier en 1899 puis Sicard en 1901. Depuis lors, la recherche a porté sur le développement d'AL moins toxiques et d'action rapide et/ou prolongée. Ces étapes sont jalonnées par la synthèse de la procaïne et surtout de la lidocaïne (Löfgren et Lundqvist, 1943), de la bupivacaïne (Ekenstam, 1957) et de l'étidocaïne (Takman, 1971). La synthèse de la ropivacaïne, prochainement commercialisée en France, représente l'un des plus récents développements en matière d'AL.

 

PHARMACOLOGIE GÉNÉRALE : MÉCANISMES D'ACTION ET EFFETS NEUROPHYSIOLOGIQUES

 

Mécanismes d'action

Physiologie de la conduction nerveuse

La membrane de l'axone, quel que soit le type de fibre, est formée d'une double couche phospholipidique renfermant des structures protéiques qui constituent des récepteurs membranaires. Parmi ces protéines, certaines, dites transmembranaires, traversent la totalité de la membrane cellulaire et créent des pores ou canaux, encore appelés ionophores, qui autorisent les flux ioniques entre les milieux extra- et intracellulaires. Ces canaux sont sélectifs pour un ion donné, le canal sodique transportant 12 fois plus l'ion sodium Na+ que l'ion potassium K+. Ces flux sont déterminés par les différences de charge et de concentrations ioniques de part et d'autre de la membrane (fig. 1). Au repos, il existe une différence de potentiel de -60 à -90 mV entre l'intérieur de la cellule, riche en ions potassium et chargé négativement, et l'extérieur de la cellule, riche en ions sodium et chargé positivement. La différence de potentiel est maintenue grâce à plusieurs mécanismes. Certains sont passifs, reposant sur la perméabilité de la membrane aux ions potassium et son imperméabilité relative aux ions sodium. D'autres sont actifs, reposant sur la pompe Na+-K+ adénosine triphosphatase (ATPase) dépendante, qui fait sortir en permanence trois ions sodium de la cellule en échange de l'entrée de deux ions potassium.

La cellule nerveuse se comporte donc au repos comme une électrode au potassium. Lors de la dépolarisation membranaire, la perméabilité à l'ion sodium augmente et le potentiel devient rapidement moins négatif. Au seuil critique de -50 mV, la conductance sodique s'accroît brutalement et le potentiel atteint la valeur de +30 mV. La durée de cette dépolarisation, due au courant entrant sodique INa est limitée par l'inactivation spontanée du canal sodique. Parallèlement, mais de façon moins rapide, l'augmentation du courant potassique sortant Ik restaure le potentiel membranaire. Cette phase de repolarisation est marquée par l'inexcitabilité membranaire et correspond à la période réfractaire, absolue puis relative.

Les données électrophysiologiques ont permis de mieux préciser les " changements d'état " des canaux ioniques en fonction de leur activité (fig 2). L'ouverture du canal correspond à un réalignement des molécules qui le constituent et à la libre circulation des ions [26, 161].

Au repos, à l'inverse, aucun flux ionique n'est possible. Lorsqu'il est en configuration ouverte, le canal peut passer spontanément à l'état inactivé, empêchant alors toute modification des charges ioniques (plateau du potentiel d'action). Ce passage est favorisé par une dépolarisation prolongée. Avant toute nouvelle activation, le canal ionique doit passer de la forme inactivée à l'état de repos. De ce fait, la cinétique du canal sodique est liée à la durée de la dépolarisation. Si elle est longue, l'inactivation est retardée ; si elle courte, la repolarisation est rapide.

Effets électrophysiologiques [25, 126, 148, 164]

Les AL diminuent la perméabilité du canal sodique à l'ion sodium et n'affectent donc pas le potentiel de repos. Cet effet entraîne en revanche une réduction du courant de dépolarisation qui ne peut atteindre la valeur-seuil, d'où un blocage de la propagation de l'influx.

Ce blocage obéit à un double mécanisme, tonique et phasique. L'inhibition tonique survient aux fréquences de stimulation basses tandis que l'inhibition phasique domine de manière progressive, parallèlement à l'augmentation de fréquence. Ce phénomène définit le bloc " fréquence dépendant " (use-dependent block) [25]. Le blocage du canal sodique résulte de l'interaction de l'AL avec un site récepteur spécifique situé à la partie interne de ce canal, près de l'axoplasme. La fixation de l'AL sur le récepteur canalaire, selon des mécanismes peu spécifiques et mal connus, s'oppose à tout changement de conformation du ionophore(fig 3)[25, 32].

Deux théories moléculaires, non antinomiques, sont proposées pour expliquer cette interaction:la théorie du récepteur modulé (modulated receptor) et la théorie du récepteur protégé (guarded receptor) [32, 90].

La théorie du récepteur modulé est la plus généralement retenue. Elle repose sur le postulat que l'affinité du récepteur pour son ligand varie avec l'état du canal ionique correspondant, qui passe successivement, pour chaque potentiel d'action, de l'état " fermé - de repos " à l'état " ouvert - activé " puis à l'état " fermé - inactivé " [32, 164]. L'affinité pour les AL varie de plus avec la nature de ceux-ci.

Elle est élevée pour la lidocaïne aux états ouvert et inactivé (fast-in), tandis qu'elle se dissocie rapidement du récepteur au repos (fast-out). A l'inverse, si l'affinité pour la bupivacaïne est forte à l'état inactivé et plus faible pour les canaux ouverts (fast-in), elle se dissocie lentement à l'état de repos (slow-out).

Dans ce cas, si un autre potentiel d'action arrive avant que la totalité de la substance ne soit dissociée du récepteur, il se produit un renforcement du bloc.

Ce phénomène définit le caractère fréquence dépendant, qui rend compte de l'augmentation du degré de bloc parallèlement à l'accroissement de la fréquence de stimulation. Ce mécanisme est décrit pour les fibres nerveuses comme pour les fibres cardiaques, et permet notamment d'expliquer la cardiotoxicité plus marquée de la bupivacaïne par comparaison à la lidocaïne.

La seconde théorie, dite du récepteur protégé, postule quant à elle que l'affinité du récepteur pour l'AL ne varie pas, mais que la possibilité d'accès au site récepteur varie selon sa configuration. Ces deux théories peuvent en fait être envisagées de manière complémentaire : l'augmentation du nombre de sites récepteurs canalaires occupés par les AL lors d'une activation par des stimulations répétées peut être liée à la fois à l'accès à un plus grand nombre de sites (récepteur protégé) et à une dissociation plus lente du couple AL-récepteur (récepteur modulé).

L'application du mécanisme de bloc phasique, fréquence dépendant, à l'échelle de la fibre nerveuse rend compte d'un aspect électrophysiologique fondamental appelé conduction décrémentielle. Il existe en effet une corrélation positive entre la qualité et l'intensité du bloc et la longueur de fibre nerveuse exposée à l'AL [90, 130]. Ce phénomène contredit la loi du " tout ou rien ", puisqu'au niveau de chaque noeud des concentrations infrabloquantes d'AL interrompent partiellement la dépolarisation. De ce fait, si la longueur de fibres exposées à l'AL est suffisante et la fréquence de stimulation élevée, la sommation des effets individuels, par transmission de la dépolarisation d'un noeud à l'autre, va permettre l'affaiblissement progressif de l'amplitude du potentiel d'action et l'installation du bloc (fig 4).

Effets neurophysiologiques

Concentration minimale inhibitrice (CMI)

Ce paramètre permet de comparer la puissance des AL et correspond à la concentration nécessaire d'un AL donné pour bloquer in vitro la conduction au niveau d'un nerf donné. La CMI est une valeur minimale, qu'il est généralement nécessaire de dépasser dans les conditions cliniques, définissant ainsi la concentration minimale efficace ou CME. La différence entre ces deux valeursseuil rend compte de paramètres multiples comme la cinétique d'absorption et de distribution de l'AL, les variations de pH et de composition hydroélectrolytique des milieux liquidiens traversés et l'absorption systémique. Ceci est une des raisons pour lesquelles il est nécessaire, pour un agent donné, d'administrer une quantité plus importante d'AL par voie péridurale que par voie intrathécale.

Calibre des fibres nerveuses amyéliniques (fibres C), la membrane de l'axone est en contact avec le milieu extracellulaire et la conduction de l'influx obéit à la loi du tout ou rien (fig 1).

Pour les fibres myélinisées (fibres A et B), à l'inverse, la conduction dépend des caractéristiques de la gaine de myéline qui joue le rôle d'isolant (fig 1). De fait, le potentiel d'action se propage à travers l'axoplasme et saute d'un noeud de Ranvier à l'autre, seules zones où la membrane axonale n'est pas recouverte par la myéline. L'effet de ce mode de conduction saltatoire est une accélération de la transmission de l'influx. Ritchie et Rogart [135] ont de plus montré que les canaux sodiques, siège de la naissance et de la propagation de l'influx, sont concentrés au niveau des noeuds de Ranvier des fibres A et B, tandis qu'à l'inverse ils se distribuent tout au long de la membrane axonale lorsqu'il s'agit de fibres amyéliniques.

La vitesse de conduction augmente avec l'intervalle entre deux noeuds, qui s'accroît lui-même avec le calibre et le degré de myélinisation de la fibre. La vitesse est maximale au niveau des fibres motrices Aα (60 à 120 m/s), plus lente au niveau des fibres Aβ, Aγ, Aδ (5 à 60 m/s) et des fibres préganglionnaires B (3 à 15 m/s) et très lente au niveau des fibres amyéliniques C (0,5 à 2 m/s). La valeur de la CMI est corrélée au diamètre de chaque fibre. Le bloc ne pouvant s'installer que si trois noeuds de Ranvier consécutifs sont bloqués, le volume et la concentration locale de l'AL représentent des paramètres importants, notamment pour les fibres de gros calibre dont la distance internodale et la CMI sont les plus élevées. Plus le calibre est élevé, plus la concentration nécessaire pour obtenir un bloc est augmentée. A l'opposé, ceci rend compte du fait que la CME soit plus faible chez le nourrisson [10, 80].

Bloc différentiel

Le bloc différentiel est défini par l'existence d'un bloc de conduction au niveau de certaines fibres alors que la conduction n'est pas altérée au niveau d'autres fibres d'un même tronc nerveux. Ce phénomène est d'observation clinique quotidienne, particulièrement avec les faibles concentrations d'AL. Il dépend de la nature de l'AL et du site d'injection. On peut ainsi observer une analgésie alors que la sensation de toucher et la motricité sont conservées dans un territoire donné. C'est le cas par exemple lors de l'analgésie péridurale (APD) obstétricale.

Ceci permet également d'obtenir avec de faibles concentrations d'AL, comme la bupivacaïne 0,125 %, une analgésie postopératoire et un bloc sensitif d'excellente qualité, sans bloc moteur (fig 5). Le bloc différentiel est en partie lié à la situation des fibres dans le nerf, puisque les fibres situées en périphérie sont atteintes par l'AL avant celles situées en position centrale. Ceci implique de même que le bloc progresse toujours de la racine vers l'extrémité d'un membre, puisque les fibres quittant le tronc nerveux en premier lieu sont situées en périphérie. Pour les mêmes raisons, l'AL persistant plus longtemps au niveau des fibres centrales, le bloc régresse de la racine vers l'extrémité du membre.

Le bloc différentiel s'explique également par les différences de CMI en fonction du calibre et de la longueur des fibres nerveuses, comme cela a été défini au paragraphe précédent. La sélectivité plus ou moins importante des AL à bloquer les canaux sodiques et potassiques rend également compte en partie du phénomène de bloc différentiel.

Il existerait donc, en résumé, deux manières de bloquer la conduction au niveau d'une fibre myélinisée, soit en bloquant complètement deux noeuds de Ranvier consécutifs, soit à l'aide de faibles concentrations d'AL en bloquant partiellement au moins trois noeuds consécutifs. La concentration d'AL nécessaire à l'obtention d'un bloc est donc inversement proportionnelle au nombre de noeuds en contact avec l'AL. Lorsque la longueur de fibres exposées à l'AL est faible, comme lors d'une APD, c'est le premier mode de blocage qui intervient. Il est donc plus probable qu'un bloc soit obtenu plus facilement et de manière plus prévisible pour les fibres de petit calibre que pour celles de gros calibre [72]. Lors d'une APD, le volume et la concentration de la solution sont donc des paramètres fondamentaux. Enfin, en raison de la différence de concentration de l'AL le long des racines nerveuses, les phénomènes de bloc différentiel et de conduction décrémentielle rendent compte de la chronologie de blocage successif des fonctions nerveuses : vasomotricité, sensibilité thermique puis au pique-touche et, en dernier lieu, bloc moteur.

Chronologie de l'effet anesthésique local

Lorsqu'un AL est déposé à proximité d'une structure nerveuse, la diffusion des molécules est régie par les pourcentages de captation tissulaire, de résorption sanguine et, pour les aminoesters, d'hydrolyse locale. La dose d'AL non affectée par ces trois phénomènes pénètre les cellules nerveuses en s'équilibrant de part et d'autre de la membrane. Ces processus dépendent du pKa et de la lipophilie de l'AL. La vitesse de diffusion transmembranaire de l'AL rend compte des latences d'apparition et de disparition de l'effet anesthésique local.

La liaison AL-récepteur modifie la conformation des canaux sodiques qui ne peuvent plus passer à l'état ouvert ou activé. Il en résulte un blocage de la propagation des influx nerveux, renforcé par les stimulations répétées qui augmentent le pourcentage de liaison AL-récepteur, selon le mécanisme phasique (" fréquence dépendant "). Seule la durée de l'effet anesthésique local, et non sa latence, dépend de la vitesse de dissociation du couple AL-récepteur canalaire  [148].


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