Prise en charge du polytraumatisé au cours des vingt-quatre premières heures
Résumé. – Un polytraumatisé est un patient victime d’un traumatisme violent susceptible d’avoir provoqué des lésions multiples et/ou menaçant le pronostic vital ou fonctionnel. La prise en charge préhospitalière vise à immobiliser le patient, effectuer une première évaluation et corriger les détresses vitales.À l’arrivée à l’hôpital, il est important de mettre en place une mesure invasive de la pression artérielle.
Parmi les examens biologiques urgents, l’hémoglobinémie, l’hémostase et les gaz du sang doivent être rapidement obtenus.
Le bilan lésionnel initial comprend une radiographie de thorax, une radiographie de bassin et une échographie abdominale, ce qui permet de prendre les décisions urgentes : drainage thoracique, laparotomie d’hémostase, artériographie pour embolisation. Ce bilan est ensuite complété par des radiographies du rachis et un scanner cérébral puis thoraco-abdomino-pelvien avec injection de produit de contraste. Une réévaluation clinique dans le cadre du bilan tertiaire est importante pour ne pas méconnaître certaines lésions traumatiques. Les indications de l’imagerie et de la chirurgie doivent peser le rapport risque/bénéfice et le monitorage du patient doit toujours être poursuivi pendant la réalisation de l’imagerie et pendant les transports, quels qu’ils soient. L’éducation comportementale de l’équipe de traumatologie est importante. Les polytraumatisés doivent être pris en charge dans des centres disposant de l’ensemble du plateau technique nécessaire et rodés à cet exercice difficile.
Mots-clés : Polytraumatisme ; Traumatismes ; Scanner ; Échographie abdominale ; Radiographie;thoracique ; Critères de gravité ; Scores ; Choc hémorragique
Introduction
La traumatologie constitue un problème majeur de santé publique.
L’évaluation de la gravité est un élément important de la prise en charge initiale des polytraumatisés qui détermine les moyens préhospitaliers nécessaires et surtout l’orientation vers une structure apte à les prendre en charge. Les plans d’organisation des soins actuellement en vigueur au niveau national (Schéma régional d’organisation sanitaire [SROS]) n’ont guère pris en compte les particularités de la prise en charge de ces patients. Notamment, le plus haut niveau d’organisation d’une structure d’urgence, le Service d’accueil des urgences (SAU) ne répond pas forcément aux critères nécessaires pour la prise en charge des polytraumatisés les plus graves. La nécessité d’un bilan lésionnel complet et rapide rend souhaitable la prise en charge des polytraumatisés dans des centres disposant d’un plateau technique complet, car celle-ci ne s’improvise pas et nécessite une équipe particulièrement rodée et entraînée.
Tableau 1. – Principales causes des décès évitables chez les polytraumatisés (52 sur 246 traumatisés consécutifs décédés, soit 21 %des décès). D’après29. | |
Cause évitable | Nombre (%) |
Indication chirurgicale non posée | 25 (48 %) |
Délai avant la chirurgie trop important | 21 (40 %) |
Erreur de réanimation | 5 (10 %) |
Lésion non diagnostiquée | 4 (8 %) |
Évaluation de la gravité
La définition classique d’un polytraumatisé est celle d’un patient atteint de deux lésions ou plus, dont une au moins menace le pronostic vital. Cette définition n’a pas d’intérêt pratique en urgence car elle suppose que le bilan lésionnel ait déjà été effectué. À la phase initiale, un traumatisé grave est un patient dont une des lésions menace le pronostic vital ou fonctionnel, ou bien dont le mécanisme ou la violence du traumatisme laissent penser que de telles lésions existent. Il est donc très important d’inclure la notion de mécanisme et la violence du traumatisme dans la notion de traumatisme grave, au moins lors de la phase initiale de l’évaluation.
À titre d’exemple, un défenestré de trois étages n’ayant apparemment qu’une fracture de cheville est un polytraumatisé jusqu’à preuve du contraire, c’est-à-dire jusqu’à la réalisation d’un bilan lésionnel complet et rapide.
SCORES DE GRAVITÉ
Les scores de gravité sont destinés surtout à prédire la mortalité et supposent une utilisation sur une population de patients plus que sur des individus. Il s’agit de définir une probabilité de survie (Ps) et donc de prédire, pour un groupe de patients, le nombre de décès attendu et de le comparer au nombre de décès réellement observé.
Actuellement, le plus utilisé et le plus performant reste le Trauma Related Injury Severity Score (TRISS). [5, 7, 10] La méthode TRISS a été la base de l’étude Major Trauma Outcome Study (MTOS) qui a inclus plus de 200 000 patients provenant de 150 hôpitaux nordaméricains. [11] Le TRISS est établi à partir de l’âge, de la nature du traumatisme (fermé versus pénétrant), du Revised Trauma Score (RTS) (qui comprend la pression artérielle systolique, le score de Glasgow, et la fréquence respiratoire), et les lésions anatomiques évaluées par l’Injury Severity Score (ISS). L’ISS est basé sur un catalogue régulièrement révisé des lésions anatomiques décrivant plus de 2 000 lésions cotées de 1 (mineure) à 6 (constamment mortelle). [7]
En routine, il est recommandé de calculer le TRISS.
La réalisation de diagramme Preliminary Outcome Evaluation (PRE) en portant l’ISS en abscisse et le RTS en ordonnée et un isobare de Ps de 50 % permet de distinguer les patients qui ont une survie inespérée ou au contraire un décès inattendu.Ces calculs permettent, au sein d’un hôpital, un contrôle qualité interne sur les décès. Par ailleurs, pour permettre d’évaluer les résultats d’une structure, d’autres calculs statistiques sont utilisés : [7, 26] le score W est la différence entre le pourcentage des survivants (ou des morts) prévu et celui réellement observé, le score Z détermine si cette différence est significative. Le score M analyse la comparabilité de la série étudiée avec celle de la banque de données quant à la gravité. Lorsque le score M est supérieur à 0,88, on considère que la série étudiée a une gravité significativement différente de celle de la base de données. Il convient alors d’utiliser un score W ajusté (Ws) et un score Z ajusté(Zs) pour déterminer si le pourcentage de survivants (ou de morts) est différent ou non de celui de la base de données. [26]
TRIAGE
Le deuxième objectif est le triage des patients, triage préhospitalier pour évaluer la nécessité de recourir à une ambulance de réanimation (SMUR) ou d’orienter le patient vers un plateau technique lourd, mais aussi triage hospitalier pour évaluer la nécessité de recourir à une équipe spécialisée ou à la Salle d’accueil des urgences vitales (SAUV). [14] Les scores comme le RTS ont été validés dans ce domaine, notamment en Amérique du Nord, car ils permettent de décider sur le terrain si le blessé doit aller de première intention dans un centre de traumatologie. Malgré leur apparente efficacité, les scores de triage ne sont pas sans faille. Ainsi, on peut constater que le mécanisme lésionnel et le terrain du patient ne sont pas pris en compte alors qu’ils influent significativement sur le pronostic. [4, 33] Ces limites ont conduit à proposer non pas un score mais un algorithme d’analyse procédant par étapes successives comme celui de l’American College of Surgeons. [2] Cette méthodologie a l’avantage d’être beaucoup plus médicale et de prendre en compte un raisonnement stratégique. La place des scores de triage en France est nettement moins importante que dans les pays anglo-saxons. Cependant, force est de constater que le raisonnement des médecins préhospitaliers est proche de l’algorithme de l’American College of Surgeons. [2] Une autre solution est de considérer que le médecin a une expérience suffisante pour réaliser le triage de manière efficace et que cette expérience est au moins aussi efficace qu’un algorithme. Toutefois, cette assertion n’a guère été évaluée avec le système français et on peut lui opposer deux sortes de critiques. La première critique concerne l’hétérogénéité des médecins et la phase d’apprentissage inéluctable au cours de leur formation initiale et au début de leur carrière professionnelle. Il est clair que la formalisation des processus de triage constitue une aide non négligeable, avec notamment une quantification de la gravité qui aide à sa formulation dans un langage bref et accessible à tous, comme le montre l’utilisation universelle du score de Glasgow.
La deuxième critique concerne l’expertise même des médecins confrontés à la traumatologie.
Il semble exister un déficit de connaissances assez universel quant à l’appréciation globale de la gravité. [43] Ceci se manifeste dans la reconnaissance très récente de la nature bimodale de la distribution de la probabilité de survie des traumatisés42 ou dans l’absence d’une connaissance détaillée et pragmatique entre certaines variables et le pronostic. Ainsi des notions simples comme la relation entre la pression artérielle initiale et la mortalité n’ont pas été suffisamment diffusées.
À l’occasion du Congrès des SAMU de Vittel, un algorithme d’évaluation de la gravité et de triage préhospitalier a été proposé. [43]Ces critères (Tableau 2) ont l’intérêt d’avoir été adaptés à l’existence d’une réanimation préhospitalière.Il est souhaitable que les médecins hospitaliers et préhospitaliers utilisent désormais celangage commun pour définir ce qui doit être considéré par tous comme un traumatisme grave.
Tableau 2. – Critères de Vittel : critères de gravité pour le triage des patients traumatisés. D’après43 | |
Cinq étapes d’évaluation | Critères de gravité |
Variables physiologiques | Score de Glasgow < 13 Pression artérielle systolique < 90 mmHg Saturation en O2 < 90 % |
Éléments de cinétique | Éjection d’un véhicule Autre passager décédé dans le même véhicule Chute > 6 m Victime projetée ou écrasée Appréciation globale (déformation du véhicule, vitesse estimée, absence de casque, absence de ceinture desécurité) Blast |
Lésions anatomiques | Trauma pénétrant de la tête, du cou, du thorax, de l’abdomen, du bassin, du bras ou de la cuisse Volet thoracique Brûlure sévère, inhalation de fumées associée Fracas du bassin Suspicion d’atteinte médullaire Amputation au niveau du poignet, de la cheville, ou au-dessus Ischémie aiguë de membre |
Réanimation préhospitalière | Ventilation assistée Remplissage > 1 000 ml de colloïdes Catécholamines Pantalon antichoc gonflé |
Terrain (à évaluer) | Âge > 65 ans Insuffisance cardiaque ou coronarienne Insuffisance respiratoire Grossesse (deuxième et troisième trimestres) Trouble de la crase sanguin |
RÈGLES SIMPLES
Les caractéristiques principales du traumatisé grave peuvent être
résumées ainsi :
– la gravité des lésions ne s’additionne pas mais se multiplie, par
potentialisation de leurs conséquences respectives ;
– la sous-estimation de la gravité des lésions est un piège mortel ;
– l’oubli de certaines lésions traumatiques peut avoir des
conséquences vitales ou fonctionnelles dramatiques ;
– le temps perdu ne se rattrape pas ;
– les solutions thérapeutiques rendues nécessaires par certaines
lésions peuvent être contradictoires impliquant des choix
stratégiques difficiles.
Arrivée du traumatisé
PRÉPARATION DE L’ÉQUIPE
La régulation effectuée au niveau du SAMU permet de déterminer
l’équipe hospitalière apte à prendre en charge le patient au vu du
bilan initial et de prévenir cette équipe de l’arrivée de ce patient. Il
est alors possible de préparer le matériel nécessaire à une prise en
charge rapide et de prévenir les intervenants potentiellement
concernés par la prise en charge de ce patient. Dans certains cas, des
dispositions particulières doivent être prises avant l’arrivée du
patient, en fonction du type de transport utilisé (préparation d’une
hélistation), ou du type de traumatisme (circulation extracorporelle
dans les plaies du coeur).
ACCUEIL
Le médecin responsable recueille l’ensemble des informations
obtenues par l’équipe préhospitalière. Pendant ce temps, la
réanimation doit se poursuivre sans discontinuité et le reste de
l’équipe assure le retrait du matelas à dépression et le transfert du
patient sur le brancard. Ce transfert se fait en maintenant l’axe têtecou-
tronc mais sans traction axiale, notamment cervicale, susceptible
de mobiliser un foyer de fracture du rachis cervical ; il ne devrait
être effectué qu’après mise en place d’un collier cervical,
généralement pendant la phase préhospitalière. C’est au moment de
l’accueil qu’une décision importante doit parfois être prise : conduire
directement le patient au bloc opératoire sans aucun bilan
supplémentaire. C’est le cas lorsque l’état hémodynamique du
patient est critique malgré la réanimation préhospitalière et que la
cause de la détresse circulatoire est évidente (plaie par balle, plaie
par arme blanche, amputation traumatique). C’est dire que pour un
traumatisme fermé, un bilan lésionnel et une période de réanimation
initiale sont pratiquement toujours nécessaires avant d’aller au bloc
opératoire.
Lors de l’accueil, l’ensemble de l’équipe assure alors un certain
nombre de tâches plus ou moins simultanées :
– mise sous scope (fréquence cardiaque, pression artérielle non
invasive, saturation oxymétrique de pouls [SpO2]) ; la mesure de la
pression artérielle moyenne (PAM) par méthode non invasive doit
être considérée comme provisoire, le temps de mettre en place une
mesure par voie sanglante ;
– vérification des voies veineuses, voire adjonction de voies
supplémentaires. Lorsqu’une voie centrale est requise pour un
remplissage rapide et une transfusion massive, la voie fémorale doit
être privilégiée car associée à un très faible taux de complications.
La voie sous-clavière est interdite en raison d’une incidence élevée
(14 %) de complications graves. La voie jugulaire interne est possible
mais nécessite une mobilisation cervicale non souhaitée dans ce cas.
Il s’agit alors dans tous les cas de la pose de cathéter de gros
diamètre type Désilett ;
– mise en place d’un cathéter artériel radial ou fémoral pour mesure
de la pression artérielle sanglante ; ce geste constitue une priorité
car seule la pression artérielle sanglante permet un monitorage
continu et fiable de la pression artérielle, et de pratiquer facilement
et rapidement l’ensemble des prélèvements biologiques ; la voie
fémorale doit être privilégiée en cas d’instabilité hémodynamique ;
– vérification de l’intubation trachéale et poursuite de la ventilation
chez le traumatisé intubé, administration d’oxygène en cas de
ventilation spontanée ;
– mise en place d’une sonde gastrique, en contre-indiquant la voie
nasale en cas de traumatisme crânien ou maxillofacial ;
– mise en place d’une sonde thermique oesophagienne ou rectale ;
– prélèvements biologiques (cf. infra) ;
– vérification de l’identité et admission administrative du patient
dans l’hôpital.
D’autres gestes peuvent être différés dans le temps mais ne doivent
pas être oubliés :
– vérification de la situation du patient vis-à-vis de la prévention
du tétanos, et éventuelle administration d’une sérothérapie et/ou
d’une vaccination antitétanique ;nettoyage et pansement, même grossier, même provisoire, des
plaies et excoriations cutanées ;
– occlusion des yeux chez le patient inconscient après instillation
d’un collyre antiseptique et vérification de l’absence de lentilles de
contact ;
– administration d’une antibioprophylaxie dont les doses initiales
doivent être majorées chez le traumatisé ; [34]
– réalisation d’un électrocardiogramme (ECG).
Dès ce stade, l’analgésie et la sédation du patient doivent être
envisagées. Cette phase d’accueil doit être accomplie dans les
15 minutes qui suivent l’arrivée du patient.
TRAITEMENT DES DÉTRESSES VITALES
Le traitement des détresses vitales, circulatoire, ventilatoire, et
neurologique, est intégré au bilan initial. La détresse circulatoire est
le plus souvent en rapport avec une hypovolémie (80 % des cas)
surtout d’origine hémorragique. [17] Le remplissage vasculaire massif,
pour être efficace, nécessite un accélérateur de perfusion mécanique,
muni d’une alarme de détection d’air (risque d’embolie gazeuse) et
impérativement couplé à un réchauffeur performant. [39] En effet,
l’hypothermie est un facteur de risque majeur chez le traumatisé
, qui aggrave l’hémodynamique, et perturbe l’hémostase. [28]
La mise en place d’une sonde thermique rectale ou oesophagienne
est donc impérative. Les principales causes d’hémorragies
importantes sont les lésions abdominales, rétropéritonéales, et
thoraciques. Toutefois, certaines causes d’hémorragies sont
volontiers sous-estimées : plaies du scalp, épistaxis, et fractures
fermées (fémur) ou ouvertes (plaies artérielles et veineuses associées)
. [57] Il faut retenir que les traumatismes crâniens sont
rarement responsables d’une détresse circulatoire (lésions du tronc
cérébral) mais que des lésions médullaires hautes peuvent être
responsables d’une hypotension artérielle. Dans 19 % des cas, la
cause de la détresse circulatoire est une compression endothoracique
par un pneumo- et/ou hémothorax compressif, plus rarement par
un hémopéricarde responsable de tamponnade. [17] Le choc
cardiogénique par contusion myocardique est exceptionnel (moins
de 1 % des cas). [38]
Le monitorage hémodynamique à cette phase est limité à la pression
artérielle invasive. Toutefois, il ne faut pas négliger les informations
obtenues d’une part par la courbe de pression artérielle et
notamment la variation de la pression artérielle systolique avec la
ventilation mécanique, et d’autre part celles obtenues par la mesure
du CO2 dans l’air expiré. [17] En l’absence de traumatisme crânien
sévère et devant un choc hémorragique, un objectif de pression
artérielle systolique de 80-90 mmHg est acceptable. Toutefois, devant
un traumatisme crânien sévère, cet objectif est de 110-120 mmHg.
En effet, l’hypotension artérielle est la plus importante des
agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) des
traumatismes crâniens et l’objectif de pression artérielle chez ces
patients vise à maintenir une pression de perfusion cérébrale au
moins supérieure à 70 mmHg.
L’indication de l’intubation trachéale et de la ventilation mécanique
est en fait extrêmement large afin de ne pas ralentir le bilan lésionnel
et de rendre la prise en charge plus confortable pour le patient et
plus efficiente par l’équipe soignante et comprend :
– l’existence d’une détresse circulatoire, et/ou respiratoire, et/ou
neurologique (score de Glasgow ≤ 8) ;
– la présence de lésions traumatiques douloureuses ou devant
nécessiter une intervention chirurgicale urgente (fractures ouvertes) ;
– parfois l’agitation du patient quelle qu’en soit la cause.
Le diagnostic d’une détresse neurologique ne peut être fait qu’à
partir du moment où les détresses circulatoires et ventilatoires sont
corrigées. L’évaluation initiale repose sur l’examen clinique et le
calcul du score de Glasgow, après réanimation, mais la sédation rend
le score de Glasgow ininterprétable. Cet examen est par définition
insuffisant et un scanner est nécessaire (cf. infra). Lorsque le score
de Glasgow est inférieur ou égal à 8, l’intubation trachéale et la
ventilation mécanique s’imposent. La recherche d’une lésion
médullaire (paraplégie, tétraplégie, tonus du sphincter anal) est
importante, mais un patient dans un coma profond doit être
considéré comme un blessé médullaire jusqu’à preuve du contraire.
Une antibioprophylaxie est le plus souvent administrée à ces patients. [35]
EXAMENS BIOLOGIQUES
De nombreux examens biologiques sont demandés à l’accueil des
polytraumatisés, toutefois très peu sont réellement urgents. Groupe,
Rhésus, recherche d’agglutinines irrégulières sont certes utiles, mais
demandent du temps (30 min à 1 h) et ne sont pas forcément
nécessaires pour débuter une transfusion massive. En revanche, la
détermination de l’hémoglobine (ou de l’hématocrite) est requise
sans délai pour décider ou non de cette transfusion. Il est donc
nécessaire de disposer d’un appareil permettant la mesure de
l’hémoglobine en quelques minutes (HémoCuet), ou à défaut d’un
microhématocrite. Chaque structure d’urgence doit avoir une
procédure écrite, élaborée en collaboration avec l’établissement de
transfusion, permettant la détermination rapide du groupe ABO et
Rhésus et un démarrage de la transfusion avant le résultat final de
la recherche des agglutinines irrégulières.
L’hématocrite ou le taux d’hémoglobine initiaux constituent un reflet
de la gravité du choc hémorragique (Fig. 2). [8] Deux facteurs
expliquent cette relation étroite entre la baisse du taux
d’hémoglobine et l’importance de l’hémorragie :
– l’importance du remplissage préhospitalier qui est généralement
nécessaire pour maintenir la pression artérielle dans ce contexte ;
– la spoliation sanguine initiale, avant tout remplissage, qui majore
l’effet de dilution du remplissage vasculaire. Un patient ayant une
masse sanguine de 5 l et une spoliation sanguine de 50 % avant le
remplissage vasculaire préhospitalier voit ainsi son hématocrite
chuter de 40 à 20 % avec un remplissage de 2,5 l, sans tenir compte
de la poursuite de l’hémorragie. L’objectif habituel du taux
d’hémoglobine (>70 g/l) est souvent révisé à la hausse en
traumatologie (>90–100 g/dl), soit en raison de l’intensité de
l’hémorragie nécessitant une anticipation, soit en raison d’u
traumatisme crânien sévère.
L’hémostase est également très importante (taux de prothrombine
[TP], fibrinogène) car ces anomalies sont susceptibles, en l’absence
de correction rapide, d’aggraver les saignements, en particulier
intracrâniens. [53] Par ailleurs, certaines lésions traumatiques sont
susceptibles d’induire une fibrinolyse majeure (par ordre de
fréquence : hématome rétropéritonéal, contusion cérébrale surtout
par traumatisme pénétrant, contusion pulmonaire sévère). Le rôle
de l’hématocrite dans la formation de thrombus impose
probablement de revoir à la hausse les seuils transfusionnels
habituellement consentis en chirurgie réglée. [19] Les objectifs
classiques pour l’hémostase (fibrinogène > 1 g/l ; taux de
prothrombine > 50 % ; plaquettes > 50 G/l) doivent être majorés
lorsque l’intensité de l’hémorragie nécessite une anticipation ou
devant un traumatisme crânien sévère.
La gazométrie artérielle est également un examen qu’il est nécessaire
d’obtenir rapidement, surtout en cas de traumatisme crânien, pour
corriger les hypoxémies et hypercapnies.
SÉDATION ET ANALGÉSIE
La plupart des traumatisés graves sont intubés et ventilés dès la
phase préhospitalière. Une induction de type « estomac plein » est
requise et les médicaments utilisés ne doivent pas avoir des effets
hémodynamiques délétères. En pratique, les associations étomidatesuccinylcholine
ou kétamine-succinylcholine doivent être
privilégiées, volontiers relayées par une association midazolamsufentanil
à la seringue électrique. Chez les patients non intubés,
une titration morphinique (ou par du sufentanil) est souvent utile
pour contrôler la douleur. [41]
À l’arrivée à l’hôpital, cette sédation/analgésie est poursuivie.
Toutefois, chez les patients qui arrivent non intubés, il faut
rapidement se demander si une intubation n’est pas souhaitable. Les
indications de la sédation avec intubation chez ces patients doivent
être très étendues et inclure les circonstances dans lesquelles la
sédation permet d’effectuer plus rapidement le bilan lésionnel et
d’améliorer la prise en charge globale chez un patient très
douloureux et/ou agité. Par ailleurs, il faut souvent anticiper une
intubation de toute façon nécessaire pour la réalisation d’un geste
chirurgical. Enfin, dans certains traumatismes cervicaux, l’intubation
doit être envisagée précocement, avant qu’elle ne devienne difficile,